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Marwa Boughachiche, victime d’un meurtre et d’un lynchage numérique : l’Algérie face à sa conscience

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Le drame de Marwa Bougachiche continue de secouer l’Algérie. Disparue depuis le 22 mai à Constantine, l’adolescente a été retrouvée morte le 29 juin dans la forêt de Djebel Ouahch. Quelques jours plus tard, un homme identifié comme le principal suspect a été interpellé, mis en examen, puis placé en détention provisoire.



Une disparition devenue cauchemar

Le jeudi 22 mai, Marwa quitte le collège du 11 décembre 1960, dans la cité Ziadia, sans jamais rentrer chez elle. Aussitôt, ses proches alertent les autorités. Une vaste opération de recherche est lancée. Pendant plus d’un mois, la famille espère, s’accroche, lance des appels à témoins… jusqu’à ce que l’impensable soit confirmé.

Le corps retrouvé dans la forêt

Le 29 juin, un communiqué glaçant du parquet de Constantine annonce la découverte d’un corps mutilé dans la forêt de Djebel Ouahch, à l’est de la ville. L’alerte a été donnée suite à un signalement anonyme. Très vite, le procureur de la République se rend sur les lieux, accompagné de la police scientifique et d’un médecin légiste. Les analyses ADN confirment : le corps est bien celui de Marwa.

Le lendemain, toute une ville, tout un pays, pleure Marwa. Ses obsèques déchirantes ont lieu dans une atmosphère de deuil collectif. Les images, largement relayées, montrent une foule brisée par la douleur et l’incompréhension.

Un suspect arrêté, l’enquête s’accélère

Le 1er juillet, soit deux jours plus tard, le parquet de Constantine fait une nouvelle déclaration. Un suspect, désigné par les initiales (D.S.), a été interpellé. L’enquête a mis en évidence des preuves d’enlèvement par leurre ayant entraîné la mort, ainsi qu’un homicide volontaire.

Le juge d’instruction a entendu le suspect, les témoins et le père de la victime. À l’issue de cette audition, le suspect a été placé en détention provisoire. L’enquête reste ouverte, notamment pour identifier d’éventuels complices et reconstituer précisément les circonstances du crime.

Un crime qui dépasse le cadre judiciaire

Au-delà de l’horreur, c’est toute une société qui s’interroge : comment une adolescente peut-elle disparaître en plein jour, en quittant un établissement scolaire ? Que s’est-il passé entre sa sortie du collège et son enlèvement ? Quelles failles ont rendu cela possible ?

La rumeur, seconde violence faite à Marwa

Avant même que son corps ne soit retrouvé, Marwa avait déjà été assassinée une première fois : dans l’opinion, sur les réseaux sociaux, dans les commentaires. En quelques jours, des rumeurs odieuses ont inondé l’espace numérique, accusant l’adolescente et sa famille des pires dérives. D’un simple fait divers tragique, on a basculé dans une spirale de calomnies, orchestrée notamment par un pseudo-influenceur, plus soucieux de vues et de buzz que de vérité ou d’éthique.

Ces propos mensongers ont brisé l’élan de solidarité initial. Des bienfaiteurs ont renoncé à soutenir la famille, des internautes ont détourné les regards, et le père de Marwa s’est retrouvé seul, exposé aux pires accusations. Dans une société marquée par la pudeur et la compassion, ce revirement brutal interroge. Comment, au nom de rumeurs sans fondement, peut-on priver une famille du soutien élémentaire qu’elle mérite ?

Le plus effrayant dans cette affaire, c’est que la rumeur a servi le criminel. En détournant l’attention de l’essentiel — retrouver Marwa à temps — elle a, d’une certaine manière, permis à l’horreur de se produire. Il faudra du temps pour que la société algérienne mesure pleinement l’ampleur de cette faute collective.

Un cri pour la justice, et pour la mémoire de Marwa

Dans son communiqué, le parquet promet de poursuivre l’enquête « en utilisant tous les moyens légaux pour arrêter toutes les personnes impliquées ». Mais pour beaucoup, l’angoisse demeure : combien d’enfants faudra-t-il encore pleurer avant que des mesures concrètes soient prises ?

Marwa n’avait que 10 ans. Elle allait au collège. Elle aurait dû rentrer chez elle. Elle aurait dû vivre. Son prénom est désormais gravé dans la mémoire collective algérienne, comme un appel à la justice, à la protection, à l’action.





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