Le sujet glace le sang. Depuis quelques jours, les réseaux sociaux algériens s’embrasent autour d’un témoignage bouleversant publié par la créatrice de bijoux @serlys.bijoux. Sa jeune cousine aurait été hospitalisée en urgence au CHU Mustapha Bacha, opérée après la découverte d’une aiguille logée dans son corps. Une histoire que beaucoup auraient autrefois taxée de mythe ou de superstition. Pourtant, les images, les messages et l’émotion partagée par des milliers d’internautes laissent planer un doute glaçant. Ça s’est passé à Alger, dans le quartier de Victor Hugo. Et ça pourrait arriver ailleurs.
Un témoignage qui secoue les consciences
« Faites très attention à vos enfants. Ce n'est pas une légende », alerte la story devenue virale. Sur fond noir, on lit l’angoisse d’une jeune femme effondrée, choquée par l’épreuve traversée par sa cousine : opération, aiguilles, suspicion de sorcellerie... Le tout dans un contexte d’inertie policière qui ajoute à la colère des familles.
Si le témoignage est marqué par l’émotion, il n’en reste pas moins construit : lieu précis, photo du pansement, récit circonstancié. Il suscite immédiatement des réactions : peur, solidarité, doutes, mais aussi un élan d’urgence parentale. Car au-delà du choc, c’est la peur de l’invisible qui s’installe : et si cela arrivait à mon enfant ?
Un vieux fantasme algérien ?
Depuis plusieurs années, les rumeurs d’aiguilles liées à la sorcellerie circulent dans les villes d’Algérie. Elles mêlent croyances populaires, récits mystiques et crainte d’un mal occulté. Certains parlent de rituels visant à nuire, d’autres de pratiques ancestrales pour se venger ou pour contrôler l’âme d’un enfant.
Mais jusqu'à présent, très peu de cas ont été authentifiés par des professionnels de santé ou par les forces de l’ordre. L'absence de communication officielle, le manque de signalements formels et la peur du jugement social rendent ces affaires quasi-invisibles. À l’hôpital Mustapha Bacha, aucune déclaration publique n’a été faite, et les autorités sanitaires n’ont pas confirmé l’existence d’un dossier médical lié à cette histoire précise.
C’est cette opacité qui entretient la rumeur et alimente les peurs. Si l’histoire est vraie, pourquoi aucun communiqué ? Si elle est fausse, pourquoi tant d’éléments concordants ? Les familles, elles, oscillent entre vigilance extrême et impuissance face à un phénomène qu’elles ne maîtrisent pas.
La part d’ombre : superstition ou réalité sociétale ?
En Algérie, la sorcellerie – ou sihr – continue de faire partie de l’inconscient collectif. Même chez les plus éduqués, même dans les milieux urbains, ces récits reviennent, portés par des témoignages de femmes, souvent les premières à percevoir les signaux faibles : douleurs inexpliquées, troubles du comportement, visions ou rêves récurrents.
Ce qui rend l’histoire encore plus inquiétante, c’est le fait qu’elle cible les enfants. Symboles d’innocence, ils deviennent, dans certains récits populaires, les victimes idéales d’actes malveillants. Les aiguilles retrouvées dans leur corps deviennent alors le symbole d’une violence silencieuse, souterraine, presque impalpable.
Les réseaux sociaux, caisse de résonance et d’alerte
C’est sur Instagram et TikTok que le sujet a explosé. Des mères de famille partagent leur propre angoisse, d’autres racontent des cas similaires vécus dans leur entourage. Certains vont jusqu’à publier des photos de radios ou d’objets extraits du corps de proches.
Mais attention : le choc émotionnel peut aussi fausser la perception. Dans cette cacophonie numérique, on retrouve parfois de fausses images recyclées d’autres affaires, ou des vidéos virales sans lien avec la situation. Une vérification rigoureuse est plus que jamais nécessaire, sans pour autant nier la possibilité d’une réalité effrayante.
Le besoin criant de transparence et de protection
Que le cas soit isolé ou qu’il reflète un phénomène plus large, il révèle une chose essentielle : le vide laissé par les institutions. Dans un contexte où les familles ne se sentent pas écoutées, les réseaux deviennent tribunal, confessionnal et cellule de crise à la fois.
Les parents attendent des réponses claires. Les médecins doivent pouvoir parler sans peur d’être discrédités. Et la justice, si elle est saisie, doit prendre ces affaires au sérieux, sans les réduire à de simples “affabulations folkloriques”.
L’affaire Victor Hugo n’est peut-être que le début d’un débat plus large sur la protection de l’enfance, la santé mentale et la prise en compte des croyances culturelles dans l’espace public. Elle nous confronte aussi à notre propre rapport au mystère, au corps, à la douleur. Et à cette question fondamentale : que fait-on quand ce qui fait peur ne se voit pas ?
Le silence ne protège pas. Et les rumeurs, même quand elles sont floues, naissent toujours d’une faille réelle. À l’heure où la parole se libère sur tous les sujets, il serait temps d’écouter, d’enquêter, de rassurer. Car le pire, ce n’est pas que l’histoire soit vraie. C’est qu’elle soit ignorée.
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