La scène s’est déroulée dans un quartier populaire d’El-Eulma. Une femme, entièrement vêtue d’un niqab noir, aurait été repérée aux abords d’un immeuble, tenant entre ses mains des papiers qu’elle glissait dans des fentes de murs. Des passants, intrigués, l’auraient interpellée. Ne pouvant justifier clairement sa présence, et refusant de retirer son voile, elle a été rapidement accusée de sorcellerie..
En quelques minutes, une rumeur se propage. Des cris fusent : "sahira !". Une foule se forme. Des vidéos amateurs montrent une scène insoutenable : bousculée, frappée, elle est même traînée sur quelques mètres. Ce n’est que l’intervention d’un homme qui a appelé les forces de l’ordre qui a mis fin à ce déferlement de violence.
L’intervention des autorités a rapidement prouvé son innocence. L’affaire, qui a indigné l’opinion publique, souligne les dérives d’une obsession grandissante pour la sorcellerie en Algérie, attisée par les réseaux sociaux et les vidéos de « nettoyages de cimetières ». Les appels se multiplient pour condamner les agresseurs et dénoncer les dangers de l’ignorance collective.
Les forces de l’ordre ont ouvert une enquête. Plusieurs personnes identifiées sur les vidéos ont été convoquées. Le procureur de la République a dénoncé un "lynchage d’une extrême gravité" et appelé au respect de la loi et de la dignité humaine. La femme, traumatisée, a été hospitalisée et prise en charge par une association de protection des droits des femmes.
Le code pénal algérien réprime de telles violences collectives. Mais le problème réside aussi dans l’absence de véritable sensibilisation contre les stigmatisations religieuses ou culturelles.
Cette affaire tragique s’inscrit dans un climat de paranoïa grandissante autour de la sorcellerie en Algérie. Depuis plusieurs mois, des groupes de bénévoles, se présentant comme des « nettoyeurs de cimetières », publient sur les réseaux sociaux des vidéos montrant la destruction de supposés talismans ou sortilèges enterrés. Ces campagnes, largement relayées, attisent les peurs et nourrissent les fantasmes. Pire encore, certains d’entre eux vont jusqu’à réclamer l’interdiction d’accès aux cimetières pour les femmes, insinuant qu’elles seraient majoritairement responsables de ces pratiques occultes. Une stigmatisation dangereuse qui mêle superstition, sexisme et ignorance, et qui menace directement les libertés individuelles tout en jetant de l’huile sur le feu d’une société déjà fragilisée par les rumeurs et les jugements expéditifs. Face à ces dérives, plusieurs imams et théologiens ont tiré la sonnette d’alarme, rappelant que ces pratiques de justice populaire n’ont aucun fondement religieux, et que seul le savoir et la raison peuvent contenir les excès d’un obscurantisme grandissant.
Face à cette montée de l’obscurantisme, à cette justice de rue qui broie des innocents et à cette volonté d’exclure les femmes des lieux de mémoire, une question cruciale s’impose : combien de temps encore laisserons-nous la peur et l’ignorance dicter la loi à la place de la raison et du droit ?Une femme, des croyances, et un peuple en déroute morale. Ce drame révèle bien plus qu'une erreur de jugement : il met en lumière une blessure sociétale à vif.
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