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Peut-on parler de Haute Couture en Algérie ?

Étoffes somptueuses, broderies précieuses, savoir-faire hérité… En Algérie, la création vestimentaire flirte avec le luxe, mais peut-on vraiment parler de Haute Couture ?

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© Crédit photo : Défilé Yasmina Chellali à Paris en 2003



En Algérie, le mot Haute Couture est souvent employé dès qu’il est question de vêtements traditionnels d’exception. Les broderies dorées, les velours somptueux, les perles fines et les finitions minutieuses semblent suffire à convoquer ce label prestigieux. Mais suffit-il de maîtriser le geste ancestral pour être adoubé par la Haute Couture ? C’est une question essentielle pour la mode algérienne, tiraillée entre un artisanat flamboyant et un manque cruel de structure professionnelle.



Une appellation ultra-protégée en France

La Haute Couture est une appellation juridiquement protégée par le ministère de l’Industrie en France depuis 1945. Seules les maisons validées par la Fédération de la Haute Couture peuvent l’utiliser. Les critères sont stricts :

  • Atelier situé à Paris avec au moins 20 salariés à temps plein
  • Deux défilés par an, avec un minimum de 25 modèles sur mesure
  • Travail exclusivement réalisé à la main par des artisans qualifiés

Autrement dit, la Haute Couture, c’est une industrie aussi codifiée que l’horlogerie suisse.

En Algérie, une création florissante mais non réglementée

Dans les faits, l’Algérie ne possède pas (encore) les fondations juridiques ni institutionnelles pour revendiquer ce label. Aucun texte n’encadre le secteur, les défilés sont rares, et le titre de "couturier" reste auto-déclaratif.

Et pourtant, la création algérienne foisonne de talents. De Yasmina Chellali, Nassila et Zerrari qui ont posé les bases de la mode de luxe dans les années 80, à une nouvelle génération audacieuse incarnée par Eddine Belmahdi, Karim Kadid, Wassiba Bendjaber, Karim Akrouf ou encore Rym Menaïfi, les créateurs redonnent souffle et noblesse au karakou, à la chedda, au caftan el kadi ou encore à la gandoura.

Pourquoi alors la Haute Couture reste-t-elle une chimère ? Parce que tout l'écosystème est bancal :

  • Manque de réglementation : pas d’organisme officiel pour labelliser les maisons, ni de protection juridique contre le plagiat
  • Soutien étatique absent : peu de subventions, aucune stratégie nationale pour promouvoir la mode
  • Visibilité à l’international quasi nulle : peu de présence dans les fashion weeks arabes ou européennes
  • Une scène encore clairsemée : si des événements comme Fashion Day Dzaïr ou l’Oran Fashion Week tentent d’insuffler une dynamique, le paysage reste morcelé. L’Alger Fashion Week, par exemple, peine à s’imposer comme référence, en raison d’un flou juridique : deux entités distinctes revendiquent le nom, l’une ayant enregistré les droits en France, l’autre en Algérie. Résultat : une visibilité fragmentée, et une profession qui peine à parler d’une seule voix.

La créatrice Selma Boulcina (Houita Création) le dit avec justesse : « Nous avons le talent, mais pas la scène pour l’exprimer. »

Si la scène locale reste contrainte, la diaspora algérienne tente de porter la flamme plus loin. Certaines créatrices installées à Paris, Montréal ou Dubai comme Najib Alioua ou la maison Bouguessa revisitent les coupes traditionnelles avec une vision globale. Mais sans une scène nationale structurée, ces initiatives peinent à redonner un véritable prestige collectif à la mode algérienne.

Des inspirations à puiser ailleurs

Pourquoi ne pas s’inspirer du modèle marocain ? Avec des émissions comme "Caftan Maroc", une stratégie de diplomatie culturelle et des écoles de couture reconnues, le Maroc a su faire de sa tradition vestimentaire une véritable industrie d’influence.

Le Liban aussi, avec Elie Saab, Zuhair Murad ou Georges Hobeika, a exporté le luxe du Levant sur les tapis rouges du monde entier.

La Haute Couture, en Algérie, n’existe pas au sens juridique du terme. Mais elle existe dans les gestes, dans les broderies, dans l’obsession du détail. Ce qu’il manque, c’est une scène pour l'accueillir, un cadre pour l'encourager, une politique culturelle pour la projeter.

"J’aimerais voir Michelle Obama porter un karakou," disait Hassiba Chambaz. Cette phrase résume toute l’ambition et la frustration d’un secteur qui mérite mieux.

Alors, peut-on parler de Haute Couture algérienne ? Pas encore. Mais tout reste à bâtir. Et les fondations sont là, bien vivantes.


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Vos réactions

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Compte archivé

23 Jun

Exact ! On constate de plus en plus d’arnaque, tout ça parce que la confection de vêtements tradi n’est pas prise au serieux chez nous

Déjà la grande faiblesse de la haute couture en Algérie c’est: quid des écoles de stylismes ? Comment peut on ésperer le développement de la haute couture dans notre pays, esperer un nouveau souffle, si déjà les jeunes génerations ne sont pas formées ? Pour preuve, on constate que les stylistes “haute coutures” ( Menouba création, Mayssa ect…) ont souvent exercé d’autre métiers/ études.

Et puis y’a aussi un problème de mentalité: l’école d’ingénieur ça le fait nettement mieux que l’école de stylisme. Comme si la couture était un savoir qui pouvait se transmettre que de mère en fille..

Dans de tels conditions comment ésperer qu’on ai un jour une fashion-week, des créations qui s’exportent ?

Et puis comme l’a dit Bassoum, on n’a pas les meilleures ambassadrices nationales qui soit ! Elles snobent nos créations et nos créateurs. Pourtant qu’est ce que ce serait géniale de voir une Leila Bekhti, Sabrina Ouazani ect.. lâcher un peu leur robe fourreau Atelier Versace et les troquer contre des créations Karim Sifaoui .

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Compte archivé

23 Jun

Article très intéressant. C’est vrai que de nombreuses couturières se donne l’appellation de stylistes ou modélistes sans en mesurer la noblesse, elles surfent sur ce label uniquement pour justifier des prix exorbitants sans assurer une finissions parfaite, ni haute gamme.
Car la haute couture c’est lorsque le luxe rencontre la création, le raffinement et la noblesse des matières et la maison qui les fabriquent. Aujourd’hui en Algérie, nous avons d’excellents talents. Mais ce n’est pas qu’un soucis d’infrastructure ou de financements. Car certains font défiler leurs collections à l’étranger avec l’aide d’ambassades et consulats d’Algérie. Mais c’est un soucis de médiatisation, de communication. De nos jours tout le monde “pompe” sur les tenues algériennes. Alors que si nos tenues étaient “brevetées” exportée à l’étranger par l’intermédiaire d’égéries algérienne la donne serait tout autre. Pourquoi nos couturières et stylistes de renommées ne proposent pas des Karakou à des égeries célèbres d’origine algérienne ? C’est tout simple, mais personne ne le fait.

Nous n’avons pas une Première Dame en Algérie, qui peut porter nos tenues aussi pour leur faire la promotion. Ainsi ça pousserait les créatrices, à créer d’avantage, à pousser les gens à s’interesser.

Des Ateliers doivent etre créer. Dans toutes les familles algériennes se cachent une artiste du perlage, de la broderie Fetla, du majboud. Pourquoi ne pas réunir ces talents ? Former les générations futures à cet artisanat, qui pourraient devenir le rendez-vous annuel de la mode algérienne, et de la Haute couture Made In Djazaier.

Toutes ces choses se perdent malheureusement. De grossières negafates s’approprient le titre de Haute Couture pour se faire un nom, et berner les jeunes mariées. Ce label est utilisé non pas pour les critères qu’il requiert, mais pour la prétention des couturières, pour justifier leurs arnaques aux clientes.

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