Il a suffi d’un rêve, d’un fil, et d’une aiguille. À tout juste 18 ans, dans un Beyrouth encore meurtri par la guerre, un jeune homme au regard lumineux ouvre un petit atelier au fond d’une ruelle. Il ne le sait pas encore, mais ses doigts vont bientôt habiller des reines. Elie Saab, né en 1964, devient en quelques décennies l’architecte de la féminité. Son empire ? Un monde cousu de lumière, de tulle et de cristal, où chaque robe semble sortir d’un conte de fées orientales.
En 1982, tandis que d’autres fuient, Elie Saab reste. Il crée, il dessine, il coupe. Très vite, ses robes faites à la main séduisent la haute société libanaise. Ses créations traversent la Méditerranée, portées comme des secrets bien gardés. Le bouche-à-oreille opère. Les robes parlent pour lui. Sa griffe devient synonyme de luxe sans ostentation, de raffinement absolu.
C’est en 1999 que le monde s’ouvre à lui. La sublime Rania de Jordanie le choisit pour la cérémonie de son couronnement. Une robe majestueuse, brodée avec délicatesse, qui attire tous les regards. Dès lors, les commandes affluent, les palais s’ouvrent, et les tapis rouges s’embrasent. Mais c’est en 2002 que la planète mode retient son souffle : Halle Berry reçoit l’Oscar de la meilleure actrice dans une robe Elie Saab bordeaux transparente et brodée de fleurs. Devant des centaines de millions de téléspectateurs, le monde découvre un nom devenu incontournable.
Ce qui distingue Elie Saab, c’est l’équilibre parfait entre sensualité et poésie. Ses robes sculptent le corps sans jamais l’enfermer. Il joue avec la mousseline, le tulle, le satin duchesse, les guipures rares. Chaque perle est posée à la main, chaque broderie murmure une histoire. Il marie les transparences aux cristaux, les fentes audacieuses aux coupes impériales. Chez lui, la mariée est une reine. Le soir, une sirène. Les robes bustiers se parent de dentelles fines, les robes longues se teintent de rubis, d’émeraude ou de bleu nuit, évoquant les joyaux du Levant.
Elie Saab habille celles qui font rêver le monde. Catherine Zeta-Jones, Angelina Jolie, Victoria Beckham, Beyoncé, mais aussi Paris Hilton, Teri Hatcher, Salma Hayek, ou encore la comédienne française Sara Forestier. Et toujours, la fidèle reine Rania, qui incarne mieux que personne l’élégance contemporaine du monde arabe. À chaque apparition, les robes Elie Saab récoltent les éloges. Élues “mieux habillées” par la presse américaine, ses muses deviennent les ambassadrices silencieuses d’un raffinement venu d’Orient.
Dans l’univers du mariage, Elie Saab est une référence absolue. Il vend chaque année près de 200 robes de mariées haute couture, certaines atteignant jusqu’à 65 000 euros. Il est, dit-on, le créateur qui vend le plus de robes de mariée de luxe au monde. Là encore, sa patte est unique : bustier romantique, jupon en satin rebrodé de cristal, voile cathédrale orné de perles. Rien n’est laissé au hasard. Chaque détail est pensé comme une promesse d’éternité.
Contrairement à d’autres couturiers orientaux, Elie Saab adopte une palette plus nuancée, une sobriété inspirée de l’Occident, qu’il allie à l’exubérance maîtrisée de l’Orient. Ses robes du soir suivent un rythme de cascades et de lumières, mais toujours avec pudeur et harmonie. Des tons “terre” en organza froissé aux robes dorées brodées de paillettes, il compose chaque collection comme une partition, jouant sur les contrastes et les accords rares.
Ce qui avait commencé comme un atelier modeste à Beyrouth est aujourd’hui une maison internationale. Elie Saab est membre invité de la Chambre Syndicale de la Haute Couture à Paris depuis 2003. Il possède ses propres lignes de prêt-à-porter, de mariée, de parfums et même de décoration d’intérieur. Pourtant, malgré le succès, il reste fidèle à ses racines libanaises. C’est là qu’il continue à produire une grande partie de ses collections, entouré de ses artisans, brodeurs et couturières, dans le respect des traditions.
Ce qui fait la grandeur d’Elie Saab, c’est sa manière de comprendre la femme. Il ne cherche pas à la transformer. Il la révèle. Il sublime ses courbes, respecte ses gestes, exalte sa lumière intérieure. Il crée des robes qui racontent des histoires d’amour, de succès, de puissance douce. Il offre à celles qui les portent un supplément d’âme, un frisson de conte de fées.
Et si l’élégance avait un nom, elle pourrait bien s’écrire en lettres de satin, d’or et de silence : Elie Saab.
La succession chez Elie Saab ne s’est pas faite dans la précipitation ni dans le fracas médiatique. Elle s’est dessinée en filigrane, à mesure que le couturier libanais voyait en son fils aîné, Elie Saab Jr, non pas un simple héritier, mais un visionnaire complémentaire. Depuis plusieurs années déjà, celui-ci occupait un rôle central dans le développement de la marque, orchestrant son expansion au-delà des robes féeriques qui ont fait sa renommée. Là où le père incarne la sensibilité artistique, la main de l’artisan, l’œil du couturier, le fils incarne l’ambition d’une maison ancrée dans son époque : digitale, globale, multisectorielle.
La maison Elie Saab ne repose plus uniquement sur les podiums de la haute couture parisienne. Elle est désormais présente dans le prêt-à-porter, la parfumerie, les accessoires, les robes de mariée, la décoration, l’architecture et même l’immobilier de luxe co-brandé. Cette diversification, audacieuse mais savamment structurée, est le fruit d’un travail d’orfèvre mené par Elie Saab Jr, qui a su transformer une maison de couture familiale en un véritable groupe de lifestyle international, tout en conservant l’essence du raffinement oriental si chère à son père.
La passation ne signe donc pas un retrait, mais une évolution dans la gouvernance créative. Elie Saab Sr demeure le cœur artistique de la maison, celui qui façonne les collections et continue d’imprimer son ADN stylistique à chaque broderie, à chaque ligne de robe. Son fils, quant à lui, tient les rênes stratégiques et structurelles, explorant de nouveaux marchés, négociant les partenariats et anticipant les attentes d’une clientèle mondiale exigeante et plurielle.
Cette dynamique père-fils, à la fois harmonieuse et ambitieuse, permet à la maison Elie Saab de ne pas céder à la tentation de la répétition. Elle s’inscrit dans une logique d’évolution respectueuse, où l’héritage se conjugue au futur. À travers cette transmission fluide, Elie Saab ne lègue pas simplement un empire, mais une vision : celle d’une élégance atemporelle, qui se décline désormais dans toutes les dimensions de la vie moderne. Une élégance qui traverse les générations sans jamais se trahir.
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