Né au cœur des montagnes des Aurès, à Batna dans l’est algérien, Fouad Guerfi grandit imprégné d’une riche tradition artisanale locale. Très tôt, il se passionne pour l’art du vêtement et l’élégance, fasciné par les broderies ancestrales et les textiles chatoyants de sa culture chaouie. Batna, héritière de savoir-faire artisanaux, offre au jeune Guerfi un terrain fertile pour développer son regard de futur créateur. Cette immersion dans le patrimoine aurésien, entre tissages berbères et tenues traditionnelles, façonne durablement son imaginaire stylistique.
Afin de parfaire son talent naissant, Fouad Guerfi entame son parcours par un premier apprentissage dans sa ville natale, aux côtés d’artisans locaux qui lui transmettent les bases du métier. Rêvant de haute couture, il s’envole ensuite vers la capitale de la mode, Paris, où il intègre la réputée école ESMOD. Dans ce creuset d’excellence, il affine sa technique et ouvre son esprit aux tendances internationales tout en conservant l’âme de son Aurès natal. Ce passage par Paris lui permet de marier la rigueur de la formation occidentale à la créativité puisée dans ses racines algériennes, jetant les bases d’un style unique qui sera sa signature.
Diplômé et armé d’une double culture, Fouad Guerfi choisit de rentrer au pays pour y écrire son propre chapitre. En 1990, à seulement 22 ans (selon les estimations de son entourage), il fonde sa maison de couture éponyme, Fouad Couture, à Alger. Dès ses débuts, le jeune couturier impose une vision novatrice : sublimer le patrimoine vestimentaire algérien grâce aux codes de la haute couture. Trois ans plus tard, en 1993, il organise son premier défilé. Le succès est fulgurant : ses créations enchantent le public et la critique, révélant en Guerfi une nouvelle étoile de la mode algérienne.
Ce vif succès local dépasse vite les frontières : le talent de Fouad Guerfi est alors invité à s’illustrer sur des scènes prestigieuses à l’international. Porté par son élan, il présente dans la foulée ses modèles à Paris puis jusqu’à Washington, une capitale peu habituée à voir briller la couture algérienne. En quelques années, le couturier des Aurès est ainsi passé de l’ombre des ateliers de Batna aux lumières des podiums occidentaux.
Si Fouad Guerfi conquiert si rapidement les podiums du monde, c’est grâce à une signature stylistique profondément originale : un mariage raffiné entre héritage berbère et modernité couture. Dans chacune de ses collections, il puise son inspiration dans la mosaïque culturelle algérienne. Il réinterprète les tenues traditionnelles, de la robe kabyle au melhfa des Aurès, en leur insufflant une allure contemporaine sans jamais trahir leur âme. Le couturier affectionne les étoffes nobles (soies, velours, satins) qu’il associe à des ornements artisanaux : broderies au fil d’or, perles et pierres précieuses viennent ainsi sublimer des coupes revisitées. Dans une collection, par exemple, Guerfi a osé un parti-pris audacieux en déclinant toutes ses silhouettes en noir – une série nommée « Black étincelles » – pour mieux mettre en valeur la richesse des motifs traditionnels d’Alger, de Constantine, de Tlemcen, des Aurès ou de Kabylie, rehaussés de broderies et d’applications scintillantes.
Robe chaouia réinterprétée par Fouad Guerfi
Mais l’innovation de Guerfi ne s’arrête pas aux formes : elle s’exprime aussi par la couleur et la matière, souvent inspirées par la nature et les sens. Le créateur aime évoquer les épices et parfums d’Algérie pour composer sa palette. Il confiera s’être « grandement inspiré des couleurs et parfois même des textures d’épices comme le piment, le safran ou encore la cannelle » pour l’une de ses collections. Ces touches épicées donnent à ses créations une chaleur et un caractère particuliers, rappelant subtilement les souks et jardins de son pays. Ce dialogue constant entre tradition et modernité, entre mémoire et innovation, est au cœur de la philosophie artistique de Fouad Guerfi. Chaque tenue qu’il signe raconte une histoire : celle d’un patrimoine réinventé pour la femme d’aujourd’hui, mêlant l’élégance universelle de la haute couture à l’authenticité des racines algériennes.
Plusieurs collections de Fouad Guerfi ont marqué les esprits par leur créativité et leur portée symbolique. En voici deux exemples marquants :
2017 – « Jadis en étincelles » : Présentée à Alger, cette collection est un hommage moderne au costume traditionnel algérien. Fouad Guerfi y revisite des tenues féminines emblématiques des différentes régions d’Algérie (Alger, Constantine, Oran, Tlemcen, Kabylie, Aurès, etc.), en les réimaginant avec une sobriété élégante et contemporaine. Il utilise pour cela des soieries et velours d’un noir profond, qu’il illumine de broderies au fil d’or, de perles fines et de pierres étincelantes. Chaque pièce marie coupes actuelles et motifs ancestraux, témoignant du savoir-faire local sublimé par la main du couturier. En point d’orgue du défilé, cinq somptueuses robes de mariée blanches font leur apparition : Guerfi détourne avec audace la robe kabyle, la mlehfa chaouie des Aurès, la gandoura constantinoise ou le karakou algérois pour les transformer en créations nuptiales uniques. Ce final spectaculaire – cinq mariées incarnant l’unité dans la diversité algérienne – achève de séduire le public et consacre ce défilé comme l’un des moments forts de la mode algérienne récente.
2023 – « You Better Fly, Butterfly » : Preuve que l’élan créatif de Guerfi ne faiblit pas, cette collection est dévoilée lors de la GX Fashion Week de Milan, affirmant son rayonnement international. Le thème « You Better Fly, Butterfly » (“tu ferais mieux de t’envoler, papillon”) symbolise la métamorphose et la liberté – une métaphore de la mode selon Guerfi. Fidèle à son approche, le créateur y propose une relecture contemporaine des costumes traditionnels des différentes régions d’Algérie, qu’il déploie tels les ailes colorées d’un papillon. Les coupes sont modernes, les matières luxueuses, mais l’âme du terroir algérien transparaît dans chaque ensemble : on devine ici une ceinture brodée inspirée du costume chaoui, là une touche de dentelle rappelant la blouse oranaise, ou encore un motif géométrique évoquant un tapis berbère. Cette collection, ovationnée à Milan, montre comment Guerfi continue d’émerveiller en portant haut les couleurs de son pays sur la scène internationale.
Un ambassadeur de la mode algérienne
Véritable pionnier de la haute couture algérienne, Fouad Guerfi a largement contribué à son essor et à son rayonnement au-delà des frontières. Il compte aujourd’hui parmi les créateurs algériens les plus renommés, aux côtés de figures comme Rym Menaïfi, Samir Kerzabi ou Faïza Antri Bouzar. Par son travail, Guerfi a démontré que l’on peut être enraciné dans sa culture et simultanément universel. Ses défilés sont autant de voyages où le public découvre, émerveillé, la richesse du patrimoine vestimentaire algérien transposée dans un langage couture international. Dès les années 1990, il a fait briller ses créations à Paris et Washington, ouvrant la voie à la reconnaissance de la mode algérienne sur la scène mondiale. Il n’a depuis cessé de renforcer ce pont entre Alger et les capitales de la mode : du prestigieux Oriental Fashion Show de Paris en 2019 aux événements de la fashion week milanaise, son nom est synonyme d’élégance et d’authenticité mêlées.
Malgré son succès, Fouad Guerfi est resté profondément attaché à son pays et à sa région natale. Refusant de céder aux sirènes d’une expatriation définitive, il partage son temps entre Alger, effervescente métropole où il habille les élites, et Batna, sa terre d’origine qui continue de l’inspirer. Cette fidélité à l’Aurès lui confère une humilité et une sincérité appréciées de tous : il n’est pas rare de le voir travailler aux côtés des brodeuses traditionnelles de Batna, ou d’évoquer avec émotion un motif berbère hérité de ses ancêtres lors d’interviews.
En une trentaine d’années de carrière, Fouad Guerfi a su bâtir bien plus qu’une marque : une légende vivante de la mode algérienne. Son parcours, tel un conte moderne, prouve qu’un créateur issu d’un village des Aurès peut conquérir les podiums internationaux sans renier son identité. Chaque collection de Guerfi réaffirme son credo : la véritable élégance naît de l’âme d’un peuple. À travers ses robes et ses caftans, c’est toute l’âme de l’Algérie qu’il fait rayonner, du parfum du safran aux motifs kabyles, avec une narration couture qui touche autant le cœur du public local que l’œil averti des critiques de mode. Fouad Guerfi, le couturier des Aurès, continue ainsi d’écrire une histoire d’excellence et de passion, où tradition et modernité dansent à l’unisson sous les projecteurs du monde entier.
Vos réactions
bibiam
12 Jul
La robe chaouie orangée me fait de l'oeil j'adore idéal pour casser les formes
bibiam
12 JulLa robe chaouie orangée me fait de l'oeil j'adore idéal pour casser les formes