Formé aux Beaux-Arts d’Alger, mais styliste autodidacte dans l’âme, Amor Guellil aborde la mode comme on érige un palais : avec ferveur, intuition et une précision presque sacrée. L’architecture qu’il étudie devient pour lui un langage parallèle, une grille invisible sur laquelle il projette ses rêves de soie et de lumière. Soutenu par des parents qui croient en son génie naissant, il compose ses premières tenues comme d’autres bâtissent des cathédrales – chaque couture étant pensée comme un arc, chaque drapé comme une envolée. Ses robes ne sont pas de simples vêtements : ce sont des créatures de scène, des fragments d’univers cousus main, des instants suspendus qui captivent le regard et éveillent l’imaginaire. À travers elles, il offre au public bien plus qu’un style : un rêve, incarné.
Dès ses premières années, Amor Guellil ne dessine pas seulement des plans d’architecture. Il esquisse déjà des silhouettes. Ses carnets se partagent entre structures monumentales et robes utopiques, comme s’il traçait une passerelle invisible entre béton brut et organza fluide. « Un artiste se doit d’être traversé par tous les arts », glisse-t-il, avec la gravité d’un homme qui ne choisit pas : il embrasse tout. C’est en 2012 que le grand public découvre ce styliste pas comme les autres, à l’occasion de son envoûtant défilé « Bleu Capricieux ». Une collection haute couture aux reflets marins, traversée de transparences aquatiques et de broderies perlées, comme échappées d’une lagune onirique. Sur le podium, ce n’est pas seulement de la mode que l’on observe. C’est un tableau mouvant, une scène vivante où chaque robe devient un personnage, chaque traîne une vague, chaque étoffe un souffle. Guellil ne coud pas. Il compose. Il chorégraphie. Il scénographie. Ce n’est donc pas un hasard si, à cette époque, ses créations ne sont pas mises en vente. Car pour lui, chaque pièce est une œuvre, singulière et précieuse, à l’abri des logiques de rentabilité. Loin de vouloir séduire le marché, il cherche à provoquer une émotion. Une suspension. Une vision. Son style, instinctif et cérébral, ose fusionner audace plastique et poésie textile. Et c’est précisément là que se dessine sa force : dans cette capacité rare à faire de la mode un art total.
Très vite, une évidence s’impose : Amor Guellil n’est pas un styliste de plus, mais une signature. Une main, un regard, une empreinte. À seulement 25 ans, il fait une entrée remarquée dans le cercle fermé des talents émergents en remportant, en juin 2013 à Lyon, le Prix de la Meilleure Création Haute Couture lors du prestigieux concours international « Lumière et Liberté des deux rives ». Quelques mois plus tard, l’Association France-Algérie Rhône-Alpes le consacre à Alger, lui décernant son Premier Prix. Ces distinctions, saluées par les professionnels de la mode et les institutions culturelles, propulsent ce jeune architecte de formation au rang de nouvelle étoile de la scène couture algérienne.
Mais Guellil ne se contente pas de briller. Il construit. Avec exigence, il multiplie défilés et expositions entre Alger, Oran, Lyon et Paris. Sa patte ? Une sensualité graphique, presque sculpturale, où l'on devine l’influence de Le Corbusier et la poésie de Yamamoto. Chaque silhouette est pensée comme un manifeste : lignes nettes, volumes audacieux, étoffes nobles, mais jamais figées. En 2015, c’est un tournant. Il orchestre à Alger le défilé « N°16 », présenté dans une galerie d’art baignée de lumière crue. Les mannequins y incarnent des femmes algériennes libres, audacieuses, ancrées dans leur époque mais connectées à leurs racines. Sarouels à poches revisités, vestes turquoise brodées, transparences assumées : chaque look est une déclaration de style. La presse salue « un cocktail élégant et harmonieux reliant passé et présent, tradition et modernité ».
On le surnomme alors « l’architecte de la couture », capable de réinventer le karakou comme de déconstruire un tailleur. Chez lui, l’héritage se plie mais ne rompt jamais. Il ne copie pas la tradition : il la projette.
Chez Amor Guellil, chaque geste de création est politique. En 2016, alors au sommet de sa notoriété dans les cercles de la haute couture algérienne, il décide de briser un plafond invisible : celui de l’élitisme. Avec la naissance de Ryem, marque de prêt-à-porter pensée pour les jeunes et les classes moyennes, il amorce une révolution douce : conjuguer style, culture et accessibilité. Fidèle à sa vision, il refuse de céder à la facilité. Chaque pièce signée Ryem se veut le reflet d’une identité algérienne ancrée mais sans nostalgie. Les volumes urbains rencontrent les références patrimoniales, les sarouels deviennent fluides, les vestes prennent des airs de haïks déstructurés, et les campagnes flirtent avec le cinéma d’auteur. C’est toute une philosophie : la mode n’a de sens que si elle peut être portée, vécue, aimée.
Son inspiration ? Les femmes. Algériennes d’abord, multiples et indomptées, qu’il célèbre dès 2015 dans son défilé icônique « N°16 », ode aux figures féminines libres. Puis Coco Chanel, la transgressive élégante, dont il épouse l’esprit plus que la forme. En 2017, sa collection « Femme Chocolat » séduit par son audace sensorielle : les coupes sont riches, les textiles gourmands, les silhouettes un poème de puissance douce. Cette même année, il rayonne sur la scène arabe en remportant l’émission Fashion Star aux Émirats. Une consécration médiatique, mais surtout l’ancrage d’un créateur capable de s’adresser à toutes les femmes, des quartiers d’Alger aux podiums du Golfe. Son vestiaire est une passerelle, entre passé réenchanté et futur assumé.
Après une parenthèse introspective, Amor Guellil orchestre en 2020 un retour magistral avec “ComeBack”, collection manifeste d’un créateur affranchi des diktats. Plus mûr, plus libre, il revient à l’essence : une haute couture conceptuelle où chaque silhouette devient architecture vivante. Sur Instagram, il dévoile des pièces saisissantes, comme cette robe-manteau fusionnelle qui conjugue le raffinement ancestral du karakou algérois et les lignes tranchantes d’un design futuriste. Dans des teintes or solaire, des matières nobles et des découpes millimétrées, la pièce incarne le nouveau souffle Guellil : celui d’un couturier d’art en quête de sens.
La presse applaudit. La robe « murmure Alger et Grenade » écrit un critique, tant elle réconcilie le passé glorieux et l’ultra-modernité. En 2021, “Vestiaire Nº16” parachève cette renaissance en revisitant ses classiques avec une vision affirmée. Plus qu’un come-back, c’est une métamorphose qui s’opère : celle d’un créateur enraciné et avant-gardiste, prêt à réécrire l’histoire de la mode algérienne sur la scène internationale.
Chez Amor Guellil, la tradition n’est jamais passéiste. Elle est fondation, tremplin, langage. Sa griffe, surnommée en coulisses “TradiModern”, mêle les broderies du karakou et les asymétries du design post-industriel, les drapés inspirés des contes orientaux et les coupes nettes d’une rigueur quasi architecturale. Formé à l’architecture, il bâtit ses robes comme des édifices : capes qui rappellent les arcades de la Casbah, robes à volants qui évoquent les escaliers sinueux d’Alger. À travers ses collections, il propose une lecture nouvelle du patrimoine, entre émotion, structure et poésie.
En juin 2022, le Maroc découvre Guellil en majesté. Il inaugure la toute première Maroc Fashion Week à Marrakech avec une collection qui détonne. Vestes sculpturales, manteaux monochromes rehaussés d’accessoires pop, foulards éclatants et lunettes XXL : la femme d’Amor Guellil est libre, puissante, solaire. « Très avant-gardiste, il sophistique sans contraindre », note un média parisien. Cette même audace lui vaut une invitation en 2023 à l’Institut du Monde Arabe à Paris, aux côtés de Yasmina Chellali. La France découvre alors une mode algérienne vivante, raffinée et résolument contemporaine.
Mais Guellil n’en est pas à sa première incursion internationale. Dès 2012, il collabore avec Swarovski en Autriche, puis habille des célébrités du Golfe. Ses créations circulent désormais entre Alger, Dubaï, Paris. À travers ses étoffes, l’Algérie défile, s’affirme, rayonne. Un conte moderne où la couture devient diplomatie sensible et identitaire.
À 35 ans, Amor Guellil n’est plus un prodige : il est une référence. Et pourtant, le créateur n’a rien perdu de sa flamme initiale. En ce début 2025, sa Collection Couture 25 le rappelle avec éclat : une ode plurielle à l’amour, saluée par Vogue Arabia pour sa richesse émotionnelle et sa virtuosité formelle. Chaque pièce semble dire « je t’aime » dans une autre langue : robes-voiles qui dansent au vent, broderies comme autant de battements de cœur, volumes caressants. L’artiste atteint ici une nouvelle maturité : il ne s’agit plus de séduire, mais d’émouvoir, de raconter, de relier les âmes à travers les étoffes.
En juin 2025, Guellil revient à Alger, porté par une envie de lumière. Sa collection capsule dévoilée au Sheraton, dans le cadre des « Voiles d’Alger », marque un virage solaire. Sous le leitmotiv “The sun is my muse”, il explore le vestiaire estival avec une fraîcheur nouvelle : kimonos en mousseline, maillots couture, pantalons fluides et paréos graphiques défilent dans une scénographie éclatée, comme un zellige en mouvement. Chaque création respire la liberté et la résilience, avec une grâce nonchalante puisée dans l’Algérie littorale et intime de son enfance. Le prêt-à-porter devient ici manifeste poétique : l’élégance du quotidien, élevée au rang d’art.
Celui qui rêvait d’architecture construit aujourd’hui un univers. Un empire d’images, de textures et d’idées, enraciné dans son pays, mais tendu vers les étoiles. Guellil incarne cette nouvelle vague de créateurs maghrébins qui n’ont plus à choisir entre patrimoine et innovation, ancrage et audace. Il impose une grammaire stylistique unique, où le caftan devient manifeste, et où chaque couture est une déclaration d’identité. À l’image d’un soleil qui ne se couche jamais, Amor Guellil éclaire la mode algérienne d’une lumière inédite : généreuse, libre, et résolument contemporaine.
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