Quelques jours seulement après le mariage somptueux de son fils Célio Saab, célébré avec faste au Liban, Elie Saab a accordé un entretien touchant au journaliste Bilal Al Arabi. Le grand couturier y a partagé des mots qui ont profondément ému le public algérien : « J’ai une tendresse particulière pour l’Algérie », confiait-il avec douceur. Il exprimait le désir sincère de découvrir le pays, d'en arpenter les paysages, de se rapprocher de son peuple. Cette déclaration, à la fois discrète et chaleureuse, résonne comme une invitation à un échange plus profond entre le monde de la haute couture et le patrimoine vestimentaire algérien.
Depuis plusieurs saisons, les passionnés de mode auront noté une signature récurrente dans les défilés d’Elie Saab. Si le couturier libanais est mondialement célébré pour ses robes vaporeuses et scintillantes, il révèle aussi un savoir-faire remarquable dans la confection de vestes majestueuses. Brodées à la main, structurées au niveau des épaules, cintrées à la taille, ses créations regorgent de perles, de sequins et de dorures — autant d’éléments qui rappellent les grands classiques du vêtement d’apparat oriental. Chez Dzirielle (sous son ancien nom Dziriya, nous avions d’ailleurs été parmi les premiers à souligner à quel point certaines de ses silhouettes faisaient écho au karakou algérois, non pas dans leur forme stricte, mais dans leur esprit. Richesse textile, coupe architecturée, ornementation précieuse : tout y était.
Il suffit de revoir cette pièce spectaculaire portée par Zendaya, lors d’un shooting pour une campagne officielle, pour comprendre l’ampleur du clin d’œil. Veste cintrée à manches longues, entièrement brodée de motifs floraux dorés, jupe fluide assortie... Les internautes algériens n’ont pas mis longtemps à réagir. La ressemblance avec un karakou traditionnel d’Alger était frappante, à tel point qu’une pétition a circulé sur la plateforme Change.org, demandant à Elie Saab de reconnaître son inspiration dans le patrimoine algérien. Le couturier n’avait pas réagi à l’époque, mais son silence n’avait en rien diminué la fierté ressentie par beaucoup face à cette esthétique enfin visible sur la scène internationale.
Et aujourd’hui, avec ses récentes déclarations sur l’Algérie — « Un pays qui me touche profondément » — il paraît plus clair encore que cet attachement n’est pas qu’affectif : il est aussi esthétique. Car lorsqu’un couturier de son rang affirme aimer un pays, il est presque naturel qu’il en perçoive les trésors vestimentaires, même inconsciemment. Le journaliste Bilal Al Arabi, qui l’a interviewé, n’a pas pensé à lui poser la question de cette inspiration. Pourtant, tout porte à croire qu’Elie Saab n’aurait pas esquivé. Au contraire, il aurait peut-être saisi l’occasion de saluer un héritage textile d’une puissance rare.
Le karakou , vêtement emblématique d'Alger, est historiquement conçu en velours, richement brodé de sfifa et de maalem, porté avec une jupe évasée. Il est l’héritier d'une longue tradition de broderie ottomane et andalouse, et révèle le rang social, la transmission maternelle et la fierté d’une appartenance. Voir des vêtements d’Elie Saab en reprendre le vocabulaire sans le nommer est une forme de reconnaissance implicite. La broderie florale, les épaules affirmées, les détails dorés et la ceinture haute... tout rappelle une silhouette algéroise modernisée.
La mode d’Elie Saab se caractérise par une obsession du détail, une recherche de la lumière et une célébration du corps féminin dans toute sa majesté. Le karakou, dans ses plus belles versions, partage ces mêmes ambitions. En cela, le couturier libanais n’imite pas le vêtement traditionnel, il en traduit la noblesse à travers son propre langage : celui de la couture universelle, du sublime intemporel.
Son amour pour l’Algérie, exprimé avec pudeur, ouvre une brèche. Et si demain, il proposait une collection capsule inspirée des broderies algériennes ? Des motifs chaouis, des textures de la Casbah, des transparences kabyles ? Un karakou pensé par Elie Saab, c’est l’espoir d’un dialogue entre les coutures de l’intime et les plis de l’Histoire. C’est la promesse d’une mode qui reconnaît, enfin, que le patrimoine maghrébin est aussi digne d’inspiration que les silhouettes parisiennes ou les influences byzantines.
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