Matthieu Blazy incarne l’une des figures les plus singulières du paysage mode actuel. Diplômé de La Cambre à Bruxelles, il a affûté son regard auprès de maisons iconiques comme Balenciaga, Maison Margiela et Bottega Veneta, où il a su imposer une vision sensible et architecturale du vêtement. Son approche, instinctive mais savamment maîtrisée, célèbre la matière, la coupe et le geste, dans une harmonie entre technique et émotion. Blazy explore un territoire où la couture dialogue avec l’art, où le corps retrouve sa liberté à travers des volumes pensés comme des sculptures vivantes. Chanel l’a choisi pour cette intelligence du vêtement et cette capacité à faire résonner le patrimoine de la maison avec la modernité d’un regard profondément contemporain. Immersion dans son tout premier défilé, magnétique, pour Chanel.
Orbes géantes, halos stellaires, scénographie immersive : l’entrée de Blazy chez Chanel s’ouvre sur une cosmologie de la maison. L’espace n’est pas un gadget, c’est un langage : dire l’élan, la projection, la modernité sans renier la haute précision des ateliers.
Chez Chanel, le dialogue entre héritage et modernité n’a jamais cessé. Sous l’impulsion de Matthieu Blazy, les codes fondateurs se redessinent dans une énergie nouvelle, plus vive, presque cinétique. Le tailleur, véritable armure féminine imaginée par Gabrielle Chanel dans les années 50 pour libérer le mouvement, retrouve ici une dimension sculpturale. Les épaules s’affirment, la ligne fuse, et la rigueur se transforme en élan. Rien n’est figé : les vestes se ceinturent d’un ruban ou d’une martingale, clin d’œil à la souplesse du geste et à la liberté du corps, valeurs chères à Mademoiselle.
Le sac 2.55, né en 1955 comme objet d’indépendance, s’émancipe lui aussi du culte de la perfection. Porté, patiné, vécu, il revendique la beauté du temps qui passe. Chaque trace raconte une histoire, chaque froissement inscrit la vie d’une femme moderne dans l’icône. Le camélia, fleur fétiche de Gabrielle Chanel, réapparaît quant à lui en broderies éclatantes, en découpes laser ou en motifs graphiques. Il devient un symbole de continuité, d’élégance intemporelle mais désormais fragmentée, presque réfractée dans la lumière. La silhouette N°5, celle du parfum mythique, inspire la pureté des volumes et le goût du détail invisible, héritage olfactif transposé à la couture.
Enfin, l’escarpin bicolore à cap-toe, né dans les années 1950 pour allonger la jambe et raccourcir le pied, se réinvente dans des variations de matières et de reliefs. Il devient l’axe central d’une allure agile, équilibrée entre classicisme et avant-garde. Ce défilé ne revisite pas Chanel, il le propulse. En réécrivant ses symboles à tempo vif, Blazy rappelle que la maison n’appartient pas au passé : elle pulse, encore et toujours, au rythme des femmes qu’elle habille.
Premières sorties d’une sobriété assurée : costume anthracite, chemises oversize, pantalons au tomber fluide.... Puis, une accélération : transparences maîtrisées, tweeds aériens, longues jupes fendues, robes-chasubles qui glissent et captent la lumière. La féminité est franche, jamais sucrée ; la coupe dicte la grâce.
Un socle de noirs, gris, bleus nuit (Grand Palais oblige) que viennent heurter des blancs crémeux, des éclats métallisés, quelques oranges et corail en contre-chant. Tweeds aux grammages allégés, organzas à l’onde froide, jersey technique, cuir souple : la texture fait la modernité autant que la ligne.
Chez Chanel, Matthieu Blazy impose un langage du vêtement où la justesse du geste prime sur l’effet. Sa couture, précise et sensuelle, redéfinit l’équilibre entre désir et usage. Loin du spectaculaire pour le spectaculaire, il imagine des pièces faites pour vivre, se déplacer, s’approprier. Chaque vêtement semble pensé pour accompagner le corps plutôt que le contraindre. Les épaules se libèrent, les jupes se prolongent dans un mouvement fluide, et les matières captent la lumière avec une intensité presque cosmique. Cette approche n’a rien de théorique : elle traduit une idée du luxe ancrée dans le réel, attentive au poids, à la coupe, à la sensation. “Réenchanter sans dénaturer” pourrait en être la devise. Blazy ne cherche pas à casser les icônes, mais à les faire respirer autrement, à injecter du vivant dans l’héritage.
Ce nouveau cycle chez Chanel s’affirme comme un cap stylistique clair. L’élégance s’y fait angulaire, mobile, taillée pour une féminité active. Le produit devient à la fois manifeste et accessible : des sacs à la main structurée, un prêt-à-porter affûté, pensé autant pour les podiums que pour la rue. L’ensemble compose un récit fédérateur où le cosmique agit comme métaphore d’ouverture. Derrière la scénographie planétaire et les textures stellaires, se dessine une maison qui regarde loin, mais sans rompre avec celles qui la portent. Blazy insuffle une énergie de continuité : un pas de plus vers l’avenir, sans effacer la mémoire. En cela, cette collection marque une transition majeure dans l’histoire de Chanel, un moment de gravité douce où tradition et modernité se rejoignent dans un même mouvement d’équilibre et d’émotion.
Du défilé Haute Couture automne-hiver 2024/2025 au Chanel Cruise 2025 de Marseille, la maison continue d’orchestrer ses rendez-vous comme de véritables tableaux vivants. Dans le front row, actrices, musiciennes et égéries mode incarnent cette élégance en mouvement. Parmi elles, Imane Khelif, boxeuse algérienne et icône d’une nouvelle féminité, a imposé sa présence avec une élégance olympique remarquée. Son apparition aux côtés des ambassadrices de la maison, entre héritage couture et énergie contemporaine, confirme la volonté de Chanel de s’ancrer dans la conversation culturelle autant que sur le podium.
Verdict ? Premier vol réussi. Blazy signe un Chanel de précision et d’allant, où chaque code se remet à parler une langue contemporaine. Pas de rupture théâtrale : une translation orbitale, maîtrisée, vers un chic qui aura de l’écho, des vitrines aux vestiaires.
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