À seulement seize ans, Zina Larab a remporté la 9ᵉ édition d’Alhan wa Chabab. Une victoire nette face à Ismahane Menacer et Imed Guenawa, au terme d’une finale où la musique a dialogué avec l’élégance des tenues traditionnelles signées Karim Akrouf. Au-delà du trophée, c’est la promesse d’une scène algérienne rajeunie, ambitieuse et fière de ses racines.
Un sacre qui ne doit rien au hasard
Dès les premiers primes, Zina s’est imposée par une justesse vocale rare pour son âge, un sens de la nuance et une présence scénique d’une maturité étonnante. Sa finale a confirmé ce pressentiment : notes hautes tenues sans crispation, graves posés, diction claire, sens du phrasé. Le vote massif n’est pas un engouement passager : il consacre un style déjà identifiable.
Zina ne se contente pas d’interpréter le classique algérien ; elle l’habite. Son art des respirations, des attaques et des silences révèle une musicienne qui sait que l’émotion naît autant entre les notes que dans les notes elles-mêmes. Cette maîtrise annonce une trajectoire construite, patiente et durable.
Portrait : la jeunesse kabyle, entre héritage et invention
Originaire de Kabylie, Zina a grandi dans une culture où la voix constitue un lien social autant qu’un art. L’oreille formée par la poésie chantée, elle s’approprie ce répertoire avec fraîcheur sans renoncer à l’exigence. On perçoit son aisance dans les courbes mélodiques, sa compréhension des modes et son souci du texte. À 16 ans, son instinct de juste mesure frappe : ne pas sur-chanter, préserver la ligne mélodique, laisser la chanson raconter. Cette sobriété expressive est sa signature.
Au-delà de la technique, c’est une attitude : regard franc, gestes économes, écoute de l’orchestre. Tout concourt à un sentiment d’évidence. Dans un paysage où l’instantané attire, Zina privilégie la construction, l’endurance et la cohérence.
Une finale en grand apparat : quand le chant rencontre l’art de paraître
L’autre vedette de la soirée fut l’élégance. Les finalistes, habillés par Karim Akrouf, ont offert un véritable défilé de patrimoine : broderies, drapés, silhouettes revisitées, palette maîtrisée. Loin d’un simple ornement, le vêtement a raconté le pays autant que les mélodies. Sous une lumière ambrée, les coupes traditionnelles ont dialogué avec une scénographie moderne, affirmant que le passé n’est pas un refuge mais un tremplin.
Ce parti pris visuel a donné une signature au show : pas seulement un concours de voix, mais une célébration culturelle totale, où musique, costume et geste composent un tableau harmonieux.
Ismahane Menacer et Imed Guenawa : des concurrents à saluer
La victoire de Zina n’efface pas l’excellence d’Ismahane Menacer et d’Imed Guenawa. Ismahane s’est distinguée par une projection claire, un grain lumineux et une belle intelligence de scène. Sa reprise de “Zinek Hawelni” de Houcine Lasnami a montré une assise stylistique solide. Imed, lui, a séduit par sa chaleur et sa sincérité, avec un timbre légèrement voilé qui accroche l’oreille et promet de beaux développements en studio comme en live.
Cette finale raconte une promotion solide : trois univers, trois tempéraments, une même exigence. L’avenir dépendra désormais du choix des répertoires, des collaborations et de la capacité de chacun à affirmer son identité.
Le moment symbole : l’hommage par la filiation
Parmi les images fortes, celle de Zina entourée de deux légendes, Lounis Aït Menguellet et Marcel Khalifé, s’est imposée. Le micro tendu, trois générations réunies, un pacte tacite : recevoir, transmettre, élever. Pour une artiste de seize ans, cet instant est une bénédiction scénique et une responsabilité artistique.
Alhan wa Chabab : l’école et la scène
La force d’Alhan wa Chabab tient à son double ADN : l’école et la scène. Le programme forme, cadre et corrige, tout en offrant le choc du direct. On y apprend la respiration, la pose du son, l’écoute avec l’orchestre, mais aussi la discipline : répéter, recommencer, affiner. Cette saison l’a rappelé : l’émission demeure un accélérateur de maturation, un lieu où l’on comprend qu’il ne suffit pas de chanter ; il faut interpréter, penser et construire.
Le format enchaîne primes hebdomadaires, défis de style, duos, répertoires patrimoniaux et contemporains. Ce panachage, loin d’être décoratif, est pédagogique : il mesure la plasticité des voix, teste la mémoire musicale et oblige chaque candidat à trouver sa couleur.
Pourquoi Zina a gagné
Premièrement, une signature vocale : un timbre reconnaissable, souple, capable d’émotion sans sacrifier l’exactitude. Deuxièmement, une culture du texte : elle respecte le sens, place les accents, porte les mots. Troisièmement, un calme scénique magnétique : Zina s’ancre, regarde, respire, et la caméra la suit. Quatrièmement, une cohérence esthétique : répertoire, posture et mise en scène racontent la même histoire.
Après la victoire : la promesse et l’exigence
Gagner ouvre des portes mais n’écrit pas la partition. Les prochains mois seront décisifs. Il faudra choisir les bons mentors, auteurs et arrangeurs qui respectent sa couleur. Mieux vaut sortir quelques titres forts qu’un long format précipité. La scène sera un laboratoire : petites salles, festivals, orchestrations aérées pour laisser respirer la voix. L’ouverture aux langues et esthétiques voisines, du kabyle à l’arabe algérien en passant par des influences méditerranéennes, peut élargir le public sans diluer l’identité.
Le cap à tenir : humilité, travail et patience. Les réseaux sociaux donnent une visibilité immédiate, mais la durabilité vient de la qualité des œuvres, de la précision du son et de la sincérité du propos.
La leçon d’une saison : modernité, élégance, transmission
Cette 9ᵉ édition a offert plus qu’un palmarès : une vision. La modernité ne s’est pas confondue avec l’oubli, elle s’est logée dans la mise en espace, la réécriture harmonique, la direction artistique et l’attention au texte. Les costumes ont dialogué avec les voix pour raconter un pays multiple. C’est dans cette modernité respectueuse que Zina se révèle le mieux.
Le public a répondu présent parce que l’émotion était lisible, parce que le spectacle restait proche, parce que l’on n’a pas regardé des personnages fabriqués mais de jeunes artistes à qui l’on a donné le temps d’apprendre et la chance de briller.
Le micro doré entre les mains, Zina Larab n’a pas clos une aventure : elle en ouvre une. La finale restera comme une soirée de grâce : une jeunesse qui chante haut, un pays qui se reconnaît dans ses mélodies et ses parures. Si elle garde son cap, Zina peut faire plus que réussir : marquer durablement la scène algérienne. Alhan wa Chabab a rempli son rôle : révéler, affiner, transmettre. À Zina d’écrire désormais la suite, avec la précision de ses notes et la lumière de son sourire, quand la musique s’est tue et que tout un public s’est levé pour applaudir.
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