Ce 14 novembre, Alger s’est réveillée au rythme des foulées. À 8h30, depuis Bab El Oued, le coup d’envoi est donné : des centaines de coureurs et de coureuses s’élancent dans les rues de la capitale sur deux parcours, un 10 km ouvert à tous et un semi-marathon de 21,1 km. Au-delà des chronos, c’est surtout l’énergie qui a marqué cette édition : une marée de femmes, de jeunes, de moins jeunes et même de personnes en situation de handicap. Une ville entière rassemblée autour de la même envie : courir ensemble et à l'unisson.
Une édition résolument féminine
Sur la ligne de départ, un détail sautait aux yeux : les dossards féminins étaient nombreux, entre débutantes, runneuses confirmées et habituées des podiums, les femmes ont occupé l’espace avec une assurance nouvelle. Dans les groupes d’amies, les clubs ou même seules avec leurs écouteurs, elles ont imposé un message clair : la rue leur appartient aussi.
Parmi elles, Sahar Bensekria. Cette fois, c’est en coureuse qu’elle a pris la parole.
« J’ai fait le 10 km et j’ai terminé en 1h05. L’ambiance était incroyable, j’ai vraiment senti Alger revivre, tout le monde ensemble. Il y avait de la solidarité, des sourires, des “yallah, yallah”, c’était une énergie spéciale qui fait chaud au cœur. »
— Sahar Bensekria
Dans ses mots, on entend autant la fierté du chrono que celle d’avoir participé à un moment de renaissance collective. Pour beaucoup de participantes, ce 10 km représentait bien plus qu’une simple course : une première victoire sur la sédentarité, la timidité, ou les regards parfois lourds posés sur les femmes dans l’espace public.
Se dépasser pour représenter la femme algérienne
Sur la distance reine, le 21 km, nous avons retrouvé Sarah Chabi Nesrine, 21 ans, marketteuse et étudiante à l’USTHB. Elle a choisi le semi-marathon, non pas pour la médaille, mais pour le symbole.
« J’ai voulu faire ce semi pour me prouver à moi-même que j’étais capable et pour représenter la femme algérienne. Par ma participation, je voulais encourager les autres femmes à faire la même chose, dépasser leurs limites et montrer de quoi nous sommes capables. »
— Sarah Chabi Nesrine
Son parcours jusqu’à la ligne de départ n’a pourtant rien d’un plan d’entraînement parfait. Sarah s’est inscrite à la dernière minute, malgré une préparation qu’elle juge elle-même insuffisante, même si elle avait déjà participé au semi-marathon de Béjaïa le 17 octobre dernier.
« Pour être honnête, je me suis très peu préparée. Avant la course, je n’ai couru que 5 km en guise d’entraînement. Le pire, c’est que j’étais indisposée le matin même de la compétition. J’ai failli abandonner parce que je me sentais très mal, mais je n’ai pas voulu lâcher. »
— Sarah Chabi Nesrine
Au 10e kilomètre, le doute revient. Sur le parcours, les coureurs qui choisissent le 10 km bifurquent sur la droite pour rejoindre l’arrivée. Sarah, elle, décide de continuer tout droit, vers le semi complet.
« En arrivant au 10 km, j’ai failli arrêter, mais j’ai décidé de continuer tout droit et de faire le semi complet. Quand on courait, beaucoup de monde nous supportait. Il y avait une très belle ambiance. Un homme criait : “Les femmes algériennes, on est fiers de vous !”. Ça m’a fait chaud au cœur, j’ai ressenti beaucoup d’amour. L’année prochaine, je compte faire le marathon. »
— Sarah Chabi Nesrine
Entre la douleur physique, la fatigue et ce détail intime qu’elle a accepté de partager, la performance de Sarah dépasse largement le simple cadre sportif : elle raconte ce moment où une femme choisit de ne plus se censurer, ni dans son corps, ni dans ses ambitions.
Inclure tous les corps, toutes les foulées
Sur le tracé, la diversité était aussi visible que touchante. Des coureurs et coureuses de tous âges, des allures variées, des styles différents, mais aussi des athlètes en situation de handicap qui forçaient l’admiration. Parmi eux, un participant équipé d’une jambe artificielle, symbole puissant de résilience.
Ces présences rappellent une réalité essentielle : le sport appartient à tout le monde. Voir un coureur amputé avaler les kilomètres au même titre que les autres, c’est renvoyer un message fort aux personnes handicapées mais aussi à la société entière : il est temps d’élargir notre définition de la performance, du courage et de la réussite.
Alger, une capitale qui se réapproprie sa rue
Au fil des kilomètres, la ville a semblé changer de visage. Les familles massées sur les trottoirs, les vendeurs qui s’arrêtent un instant pour applaudir, les chanteurs, les groupes de karkabous, les automobilistes qui patientent en souriant, les enfants qui crient les prénoms inscrits sur les dossards… Alger a fait une chose simple, mais trop rare : elle s’est mise au service de ses piétons.
“Les femmes algériennes, on est fiers de vous !”
Ce cri venu d’un anonyme sur le bord de la route résume peut-être mieux que tout le reste l’esprit de cette journée. Dans cette phrase, il y a la reconnaissance, l’encouragement, mais aussi un début de changement de regard.
En filigrane, le semi-marathon d’Alger 2025 pose une question simple : et si la ville s’habituait à voir ses rues occupées par des femmes qui courent, respirent fort, transpirent, rient et se dépassent en toute tranquilité ? Et si ces événements devenaient la norme plutôt que l’exception ?
Pour Sahar, Sarah et toutes celles qui ont pris le départ, la réponse est déjà là. Elles ont franchi une ligne, parfois bien avant l’arche d’arrivée : celle qui sépare le “je ne suis pas sûre d’y arriver” du “je l’ai fait”.
Et l’histoire ne s’arrête pas là. Comme le dit Sarah, « l’année prochaine, je compte faire le marathon de 42 km ! ». Une promesse personnelle, mais aussi une invitation adressée à toutes celles qui hésitent encore : la prochaine fois, elles aussi peuvent être là.
Chaimalili
15 NovBravo les filles vous êtes au top. moi j'aité même pas au courant sinon j'aurais participé j'adore courrir