
Sherryfa · 25 juillet 2012 à 09:47
Bonjour les filles,
je suis tombée ce matin sur un article de TSA:
REPORTAGE – « Écris : Les Syriens sont sans abri. Ils n'ont pas d'argent pour manger. Ils sont pauvres et ont beaucoup d'enfants. Mais ne dis pas qu'on est des réfugiés. Sinon, ils ne nous laisseront pas rentrer en Syrie après la guerre ». La silhouette frêle, les traits du visage extrêmement fins et le regard dur, Lina*, à peine 8 ans, parle déjà comme une adulte. Elle vient de Homs, où les affrontements entre les rebelles et l'armée régulière ont fait de nombreux morts, des blessés, des orphelins mais aussi des réfugiés.
Lina dit être venue en Algérie pour se reposer un peu. Pour ne plus entendre « ces bruits… » Les bruits des chars et des obus, des rafales. Elle est arrivée en Algérie avec sa tante il y a près d'un mois. Ses parents et ses frères ? Ils sont restés en Syrie. « On n'avait pas d'argent pour payer les billets ». « Non, ils ne me manquent pas. Je parle avec eux au téléphone », dit‑elle. Puis le ton change soudainement : « Pourquoi me posez‑voux toutes ces questions ? C'est un interrogatoire ? » lance‑t‑elle, la gorge nouée et les yeux pleins de larmes.
C'est au Square Port Saïd, un jardin situé au centre d'Alger, près de la Grande Poste, que Lina s'est "installée" avec la petite famille de sa tante. Sur place, Lina s'est fait des copines parmi les réfugiées syriennes de son âge. Comme Selma*, qui arrive d'Idlib, une autre ville en proie aux violences. La chevelure noir corbeau, la petite Selma a dix ans. « On a laissé ma grand‑mère et mes oncles sur place. Ils sont menacés de mort. Il y a quelqu'un qu'on appelle "Fasfous", qui tue. Oui, il tue. Je vous assure », raconte-t-elle.
Obnubilés par la chabiha
Lina et Selma se mettent à échanger sur la situation. « On a peur de Bachar », lance Lina. Avant de se corriger : « en fait, Bachar nous protège des terroristes. Ce n'est pas lui qui tue ! C'est eux », dit‑elle. Mais Selma n'est pas de cet avis. « Non, c'est lui [(qui tue] ! » réplique‑t‑elle, avec conviction. Ali*, le père de Selma, a 34 ans. « Elle vous a donné son prénom et son nom ? Effacez‑les ! Devant moi, s'il vous plaît. Il y a l'ambassade de Syrie ici. On a laissé nos familles là‑bas, vous comprenez ? » dit‑il avant de se tourner vers sa fille pour la gronder.
À des milliers de kilomètres de Damas, ces familles semblent encore terrorisées par Al‑Assad, son armée loyaliste et ses chabiha (les mercenaires du régime). « Ils lisent les journaux. Quand ils voient des noms, ils les transmettent en Syrie. Nos familles risquent d'être décimées », assure‑t‑il. Ali est persuadé que les chabiha les ont suivis jusqu'ici, en Algérie. C'est pour cette raison que les réfugiés n'aiment pas être pris en photo, de peur d'être reconnus.
Ils mangent et dorment au Square Port Saïd
Un peu plus âgée que les autres filles du groupe, Selwa* a treize ans. Elle a déjà perdu trois membres de sa famille, tués à Homs. Un foulard rose sur la tête, elle est assise à même le sol et s'occupe d'un nourrisson, sa cousine. « Vous allez nous aider, n'est-ce pas ? » interroge‑t‑elle avec un regard plein d'amertume. Arrivées il y a près d'un mois, la plupart de ces familles mangent et dorment dans la rue, au Square Port Saïd. « On est une cinquantaine de familles », assure Mustapha.
Les habitants du quartier n'hésitent pas à manifester leur solidarité avec ces réfugiés. Ils leur offrent de la nourriture, des vêtements et les invitent parfois à manger chez eux. « C'est scandaleux. La moindre des choses, c'est de bien les accueillir quand on les laisse rentrer », lance Samir, un jeune algérien habitant non loin du Square.
Hadj Smaïl, lui aussi Algérien, a les larmes aux yeux. Il rappelle, à ceux qui l'entourent, comment les Algériens ayant suivi l'émir Abdelkader au XIXe siècle ont été bien accueillis à Damas et un peu partout en Syrie. Également touchés par la situation de ces Syriens, des travailleurs de chantiers viennent parfois avec du lait, de l'eau minérale ou du jus de fruit pour les enfants. « Mais on n'est pas des mendiants comme cela a été écrit dans les journaux ici. Non, pas du tout. C'est juste qu'il y a une guerre, qu'on a tout laissé là‑bas et qu'on a besoin d'aide », corrige Selwa, avant de s'éloigner avec le bébé dans les bras.
*Les prénoms ont été modifiés.