Dans la pénombre d’un coffret en bois de cèdre, un collier repose. Ses perles brunes, légèrement coniques, répandent une fragrance mélangée de musc, de rose et de clou de girofle. Ce joyau n’est autre que le skhab, collier traditionnel algérien, bijou olfactif aux racines profondes, traversant les siècles et les traditions.
Originaire des régions de l’Est algérien, notamment des Aurès, le skhab est plus qu’un accessoire : il était traditionnellement conçu pour accompagner les femmes dans les moments-clés de leur vie. Noué autour du cou des jeunes mariées comme un talisman, il était aussi transmis de mère en fille, porteur d’affection, de protection, mais aussi de sensualité assumée.
Sa confection relève d’un art ancestral : les femmes berbères mélangent divers ingrédients aromatiques pour créer une pâte appelée guemha. Musc, ambre gris, clous de girofle, eau de rose et patchouli entrent dans sa composition. Teintée parfois de safran, cette pâte est façonnée en petites perles coniques puis séchée à l’air libre avant d’être enfilée sur des fils de soie ou de coton.
Le skhab n’est pas un simple collier. Il revêt une symbolique forte : celle de la féminité, de la fertilité, de la transmission. La présence de pendentifs en forme de khamsa (« main de Fatma ») témoigne de cette volonté protectrice contre le mauvais œil. Son parfum capiteux, quant à lui, était aussi perçu comme un aphrodisiaque, capable d’ensorceler l’élu de son cœur.
Dans les Aurès, chez les Chaouis, le skhab prend des formes généreuses avec des perles brunes, souvent accompagnées d’argent ciselé. À Constantine, il s’accorde avec les robes en velours brodé d’or, renforçant l’allure impériale des femmes de la cité. Le skhab est adapté, réinterprété selon les villes et les rituels, toujours témoin de l’identité locale.
Vers l’Ouest, de Tlemcen à Oran, il se mêle à la meskia, pièce centrale de la chedda tlemcénienne. Ce mariage entre perles odorantes et or filigrané donne naissance à des plastrons spectaculaires, évoquant l’opulence de l’Algérie andalouse.
Longtemps réservé aux trousseaux de mariage, le skhab fait aujourd’hui un retour remarqué sur la scène mode. Des créateurs algériens réinterprètent ce collier olfactif : perles en résine, chaînettes en plaqué or, ajout de pierres semi-précieuses… Le skhab devient pièce de désir, d’identité et d’affirmation culturelle.
Dans les défilés, on le voit porté sur des tenues minimalistes, noir profond ou blanc cassé, comme un statement patrimonial. Il s’affiche aussi sur les réseaux sociaux, en total look vintage ou mixé à des pièces très urbaines. Une robe blazer ceinturée d’un skhab doré, un jean taille haute et col roulé rehaussé d’un collier ambré… L’héritage se fait tendance.
Autrefois réservé aux femmes mariées, le skhab s’émancipe. Désormais, les jeunes femmes le portent par choix stylistique ou nostalgie affective. Il devient collier de ville, accessoire fétiche ou même signature olfactive. Certaines le glissent sur une robe noire, d’autres le préfèrent monté sur un ruban de velours, façon choker néo-rétro.
Pour conserver l’éclat et le parfum d’un skhab, quelques gestes essentiels : le ranger dans un écrin, à l’abri de la lumière et de l’humidité ; ne jamais le mouiller ; le manipuler avec douceur. Si le parfum s’atténue, quelques gouttes d’huile essentielle dans sa boîte (sans contact direct) peuvent raviver son aura olfactive.
En définitive, le skhab est bien plus qu’un collier. C’est une mémoire en perles, un souffle d’ambre, une trace de celles qui nous ont précédées. Il incarne cette féminité algérienne qui s’affiche avec fierté : enracinée dans le passé, inspirée par le présent.
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