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Dans une relation toxique, celui qui domine est-il toujours celui qui aime le moins ?

Dans une relation toxique, celui qui prend le pouvoir aime-t-il vraiment moins ? Et si dominer était parfois une autre forme de fragilité émotionnelle ?

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Lorsque l’amour, censé être refuge et réciprocité, se mue en tension permanente, une question s’impose avec acuité : qui, dans cette relation devenue toxique, détient véritablement le pouvoir ? Est-ce celui qui parle le plus fort, impose ses règles, tient les ficelles du quotidien ? Ou celui qui se tait, qui cède, qui aime trop fort pour poser des limites ?



Derrière cette apparente dynamique de domination, un décalage plus subtil se dessine, c'est celui entre l’amour sincère et l’amour stratégique, entre l’élan du cœur et la gestion du lien comme une partie d’échecs. Et si celui qui prend le dessus n’était pas simplement celui qui aime le moins, mais celui qui sait le mieux dissimuler sa peur de perdre, sa dépendance affective ou son propre chaos intérieur ?

À travers cette exploration, il ne s’agit pas de désigner un coupable, mais de comprendre comment, dans certains couples, le déséquilibre affectif devient structurel, jusqu’à transformer l’attachement en emprise, et le sentiment en terrain miné. Car l’amour toxique n’est pas un manque d’amour, c’est une manière de le vivre qui finit par blesser.

Celui qui aime le moins domine ?

Dans l’imaginaire collectif, il persiste une idée tenace : dans toute relation amoureuse, celui ou celle qui aime le moins détient le pouvoir. Ce postulat, souvent répété comme une vérité universelle, s’infiltre dans les conversations de café, les récits de ruptures douloureuses, les chansons les plus sombres de la pop culture. Moins tu t’attaches, plus tu tiens l’autre. Moins tu donnes, plus on te poursuit. Une équation cruelle, mais qui semble trouver écho dans bien des histoires d’amour déséquilibrées.

En apparence, cela se vérifie. Celui qui aime le moins paraît plus libre. Il ou elle répond quand ça l’arrange, pose ses conditions, dicte le rythme. L’autre, au contraire, attend. Il s’adapte, il s’excuse, il craint de trop demander, de trop sentir, de trop aimer. Dans cette dynamique, l’amour cesse d’être un partage. Il devient un jeu de pouvoir. Et dans ce jeu-là, celui qui aime avec profondeur devient vulnérable, parfois jusqu’à l’humiliation.

Mais ce cliché ne résiste pas à une lecture plus fine. Car, comme l’explique la psychologue clinicienne Salima Kherbache, « ce n’est pas le degré d’amour qui détermine la position de domination, mais la manière dont chacun gère son rapport à l’attachement, à la peur, à l’abandon. » Autrement dit, celui qui semble avoir l’ascendant n’est pas toujours celui qui aime moins, mais plutôt celui qui a appris, ou décidé, de protéger ses affects derrière une posture de contrôle.

« Dans une relation toxique, me confie Amel, 36 ans, journaliste, j’étais persuadée d’aimer plus que lui. Il semblait toujours distant, moins affecté, moins engagé. Je me suis épuisée à compenser. » Ce qu’elle ne voyait pas à l’époque, c’est que son compagnon, derrière sa façade glacée, était en réalité terrorisé par l’idée de dépendance. « Il refusait d’être vulnérable, donc il dominait. Pas par mépris, mais par peur. »

Le pouvoir affectif devient alors un masque. Celui qui l’arbore n’est pas toujours celui qui aime le moins, mais celui qui craint le plus de perdre le contrôle. Il fuit l’intimité tout en exigeant la loyauté. Il teste, il manipule, il reste flou. Il aime peut-être, oui, mais sur le mode du repli, de la tension, de la fuite en avant.

Ce type de fonctionnement est typique des profils évitants, très décrits en psychologie de l’attachement. Ils redoutent la fusion autant que l’abandon. Ils veulent la relation, mais à distance. Et dans ce mécanisme, ils prennent le pouvoir non pas par force, mais par peur. Le paradoxe ? Ils souffrent aussi, mais en silence, dans une armure émotionnelle qu’ils croient protectrice.

Aimer plus ne rend pas faible. Aimer moins ne rend pas invincible. Ce qui déséquilibre une relation, ce n’est pas l’intensité de l’amour, mais l’incapacité à le vivre dans la sécurité, dans la transparence, dans la réciprocité. Et si le véritable pouvoir affectif n’était pas dans le contrôle, mais dans la capacité à aimer sans se perdre ?

Domination et attachement : l’envers du décor

À première vue, celui qui domine dans une relation toxique paraît froid, distant, presque indifférent. Mais ce pouvoir apparent est souvent le masque d’une faille plus profonde. Car dans bien des cas, le dominant n’est pas celui qui aime le moins, mais celui qui tolère le moins bien l’amour. Il ne le comprend pas, ne s’y abandonne pas, ou n’a jamais appris à l’accueillir sans tension. Résultat : il contrôle pour ne pas se confronter à sa propre vulnérabilité.

« Ce que nous observons souvent chez ces profils, explique la psychologue clinicienne Inès R., ce sont des schémas d’attachement perturbés. Certains ont grandi avec l’idée que l’amour est instable, conditionnel ou dangereux. Ils développent alors des stratégies de protection qui les amènent à prendre le dessus, à imposer leur rythme, à tenir l’autre à distance émotionnelle. »

Ces comportements relèvent de ce que la théorie de l’attachement appelle les styles désorganisés ou anxieux-évitants. Ce sont des personnes qui désirent l’intimité autant qu’elles la redoutent. Elles aspirent à l’amour, mais dès qu’il se manifeste, elles s’en protègent par la fuite, la froideur ou la domination. L’autre devient alors une menace : trop proche, il étouffe ; trop distant, il abandonne. Un cercle vicieux s’installe.

Dans ce contexte, la domination devient une forme de défense : c’est le moyen d’éviter d’être blessé en premier. Rabaisser, contrôler, isoler l’autre, ce n’est pas aimer moins, c’est aimer mal, avec une peur constante de perdre le lien ou d’être démasqué dans sa fragilité. Comprendre cela ne justifie pas les abus, mais cela aide à sortir du mythe du bourreau insensible. Parfois, le dominant est aussi un naufragé affectif, perdu dans sa propre histoire.

La force silencieuse de celui qui cède

Dans une relation toxique, celui qui cède en permanence, qui s’excuse sans avoir fauté, qui s’efface pour éviter le conflit, est souvent perçu comme « trop amoureux », trop fragile ou incapable de poser ses limites. Pourtant, cette posture n’est pas le signe d’une faiblesse émotionnelle, mais bien souvent le résultat d’un conditionnement affectif profond. Derrière ce comportement se cache un besoin immense : celui d’être aimé à tout prix.

« Ces personnes ont souvent grandi dans un environnement où l’amour était instable, voire conditionnel, explique la thérapeute Yasmine B., spécialisée en thérapie de couple. Pour elles, plaire, rassurer, ne pas déranger est devenu un réflexe de survie émotionnelle. Elles confondent la fusion avec la sécurité. »

Celui ou celle qui donne sans compter dans une relation déséquilibrée ne le fait pas toujours par naïveté. Il ou elle agit selon un script émotionnel ancré depuis l’enfance : si je me montre parfaite, disponible, adaptable, on ne me quittera pas. C’est un amour anxieux, sous tension, qui cherche constamment la validation de l’autre, quitte à se sacrifier, à taire ses besoins, à justifier l’injustifiable.

Mais ce don total finit par épuiser. Car plus on donne sans retour, plus on s’épuise à réparer un lien qu’on n’a pas abîmé. La culpabilité devient chronique, l’anxiété s’installe, l’estime de soi s’effondre. Ce n’est pas un amour inconditionnel, c’est une aliénation affective douce, déguisée en loyauté.

Et pourtant, il y a une forme de courage dans cette posture. Il faut une force intérieure immense pour aimer malgré la peur, pour rester malgré l’instabilité. Mais il faut encore plus de force pour, un jour, cesser de céder et choisir de se préserver plutôt que de se perdre.

Un faux pouvoir, un vrai déséquilibre

Dans une relation toxique, celui qui domine peut sembler fort. Il impose, contrôle, décide. Mais ce pouvoir est souvent fragile, basé sur la peur de perdre, sur des mécanismes de protection ou même sur un manque d’estime de soi. Loin d’être le plus détaché, il est parfois le plus tourmenté, mais son mal-être se traduit par de la violence ou du contrôle.

La domination n’est donc pas toujours le signe d’un manque d’amour. C’est parfois la marque d’un amour déséquilibré, immature ou dysfonctionnel, où personne ne gagne vraiment.

Alors, qui aime le moins ?

Peut-être que la vraie question n’est pas de savoir qui aime le moins, mais plutôt qui s’aime suffisamment pour ne pas faire de mal. Dans une relation toxique, les rôles ne sont pas figés. Celui qui domine peut finir par perdre toute emprise. Celui qui souffre peut trouver la force de partir. Et dans tous les cas, ce n’est pas la quantité d’amour qui sauve une relation, mais sa qualité.

Une relation saine se construit sur l’égalité, le respect et la sécurité affective. Dès qu’un rapport de force s’installe, que ce soit par le silence, la jalousie, les reproches ou la manipulation, l’amour devient une monnaie d’échange. Il cesse d’être un lien, pour devenir une arme.

Alors non, celui qui domine n’aime pas forcément moins. Mais il aime sans conscience, sans responsabilité, sans réciprocité. Et c’est ce qui rend l’amour dangereux et toxique.





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