Alger s’est réveillée orpheline ce mardi. Baya Bouzar, celle que tout un peuple appelait affectueusement Biyouna, s’est éteinte à l’âge de 73 ans. Avec sa disparition, c’est une part de l’âme algéroise qui s’envole, emportant avec elle ce rire rauque, cette gouaille inimitable et cette liberté farouche qui ont traversé les décennies sans jamais prendre une ride.
L’incarnation d’un peuple et d’un quartier
Née à Belcourt, quartier populaire et bouillonnant de la capitale, Biyouna n’a jamais eu besoin de composer un personnage : elle était le personnage. Elle incarnait cette « algérianité » brute, sans filtre, celle des terrasses, des mariages et des conversations de voisinage. Elle était la voix de ceux qui n'en avaient pas, capable de passer du rire aux larmes avec une authenticité déconcertante.
Pour des millions d'Algériens, elle restera cette figure maternelle et familière, mi-tante bienveillante, mi-voisine à la langue bien pendue. Elle avait ce don rare de transformer le quotidien des familles algériennes en une épopée comique, faisant d'elle bien plus qu'une actrice : un membre de la famille.
Une artiste totale, du music-hall au cinéma d'auteur
Réduire Biyouna à la comédie serait une erreur. Sa carrière est une mosaïque fascinante qui témoigne d’une polyvalence artistique exceptionnelle. D’abord danseuse au célèbre cabaret le Copacabana, chanteuse à la voix grave mêlant chaâbi et modernité, elle a su conquérir tous les terrains.
« Je ne joue pas la comédie, je raconte la vie. Avec ses joies, ses peines et ses absurdités. C'est ça mon métier. »
Si le grand public l'a adulée pour ses rôles cultes dans les sitcoms du Ramadan comme Nass Mlah City ou Nsibti Laaziza, où son timing comique faisait mouche à chaque réplique, le cinéma d'auteur lui a offert ses lettres de noblesse. Sous la direction de Nadir Moknèche, notamment dans Délice Paloma ou Viva Laldjérie, elle a dévoilé une profondeur dramatique saisissante, prouvant qu'elle était une tragédienne de haut vol, reconnue bien au-delà des frontières du Maghreb.
Une icône de liberté et d'insoumission
Biyouna, c'était enfin et surtout un souffle de liberté. Dans une société souvent corsetée par les traditions et les non-dits, elle a tracé sa route avec une insoumission magnifique. Femme libre, parfois excessive mais toujours vraie, elle a brisé les tabous avec humour, imposant sa présence charismatique et son franc-parler comme des actes de résistance.
Elle représentait cette femme algérienne forte, résiliente, qui tient tête à l'adversité le menton haut. Sa vie fut un hymne à l'indépendance d'esprit, refusant les étiquettes et les carcans pour ne suivre qu'une seule boussole : son instinct.
Les personnalités algériennes lui rendent hommage
L'annonce de sa disparition a provoqué une onde de choc immédiate. Sur les réseaux sociaux et dans les médias, les hommages affluent pour saluer la mémoire de « la Baronne ». Acteurs, réalisateurs, chanteurs, mais aussi officiels, tous s'accordent à dire que l'Algérie perd l'une de ses plus grandes ambassadrices culturelles.
Ses compagnons de route, de Djaffar Gacem à Salah Aougrout, pleurent une partenaire de jeu généreuse et irremplaçable. La nouvelle génération d'artistes, qui voyait en elle un modèle de réussite et de persévérance, salue l'héritage immense qu'elle laisse derrière elle. Aujourd'hui, de la Casbah à Oran, en passant par la diaspora, c'est tout un peuple qui dit "Allah Yerahmek" à celle qui aura su, mieux que personne, le faire rire et l'émouvoir.
L'Algérie salue sa mémoire
« C'est avec une immense tristesse que nous faisons nos adieux à une icône. Biyouna n'était pas seulement une célébrité de la scène culturelle, elle était l'âme d'un cinéma algérien authentique et vibrant. »
Abdelmadjid Tebboune, Président de la République, Communiqué officiel
« Ma muse, ma Paloma s'est envolée. Elle avait cette grâce brute que les écoles de cinéma n'enseignent pas. Alger ne sera plus jamais la même sans son rire dans les ruelles. »rn
Nadir Moknèche, Réalisateur (Délice Paloma), via Instagram
« Aujourd'hui, la "Cité" est en deuil. Biyouna était notre mère à tous sur le plateau. Une femme libre qui a porté l'humour algérien à son sommet. Repose en paix, l'artiste. »
Djaffar Gacem, Réalisateur (Nass Mlah City), via X (Twitter)
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