Le moment était attendu par ses nombreux fans, il a été à la hauteur. De retour en Algérie après une décennie loin des scènes nationales, Raja Meziane a posé le pied sur la scène oranaise avec une assurance calme, presque cinématographique. Sa silhouette en karakou rouge, cette veste brodée héritée des élégances citadines, s’est découpée dans la lumière avant de cueillir une ovation instinctive. D’entrée, le symbole était clair : une artiste connue pour sa parole franche revendiquait un retour qui parle autant à la mémoire qu’au présent.
La soirée d’ouverture a ainsi basculé dans une intensité particulière. Sans discours appuyés, la chanteuse a laissé la musique et la présence scénique imprimer l’instant. Le silence d’écoute, puis les applaudissements nourris, ont dessiné le relief émotionnel d’un rendez-vous qui dépasse le simple passage protocolaire : c’était le signe tangible d’un lien renoué avec un public resté fidèle, parfois de loin, souvent par écrans interposés.
Pour saisir la portée de ce retour, il faut rappeler le parcours qui a fait de Raja Meziane une figure suivie bien au-delà des cercles musicaux. Son clip « Allo le Système ! » a cristallisé, en son temps, un écho populaire massif. Sa trajectoire telle qu’elle est présentée dans la biographie visuelle largement partagée, où il est question d’exil, d’engagement contre l’injustice et d’un ancrage à Prague, rappelle une artiste dont la création s’adosse à l’expérience vécue. Cette même présentation mentionne son inscription parmi les « BBC 100 Women » en 2019 : une reconnaissance symbolique qui a balisé sa notoriété internationale.
Hier, à Oran, tout cela s’est condensé dans une image : celle d’une artiste qui choisit un habit patrimonial pour réapparaître. Le karakou, avec ses broderies précieuses et sa coupe structurée, renvoie à l’atelier, à la transmission, au geste et au temps long. Dans ce choix vestimentaire, beaucoup ont lu un message d’estime adressé au pays et à son savoir-faire, un marqueur d’élégance qui n’efface pas la modernité mais la prolonge. Le rouge, quant à lui, a ajouté l’éclat nécessaire à une soirée d’ouverture : c’est la couleur de l’instant assumé, de la scène qui s’allume et du rideau qui se lève.
Au-delà de la tenue, ce retour porte un poids narratif : celui d’une décennie où l’artiste a grandi, voyagé, écrit, chanté, et où une génération a, elle aussi, mûri. Beaucoup de jeunes auditeurs ont découvert Raja Meziane à travers des écrans, dans une période où l’Algérie multipliait les conversations publiques. Les voir aujourd’hui la saluer in situ, dans une salle, dit quelque chose d’un passage de témoin : l’échange numérique devient présence partagée, la mémoire des chansons se recompose dans l’acoustique d’un lieu.
Sur scène, la chanteuse a cultivé cette retenue expressive qui laisse les chansons parler. Pas d’esbroufe : une diction nette, une gestuelle sobre, une manière de tenir le centre et de le rendre poreux à la salle. C’est souvent là que se reconnaissent les artistes habitués à porter des textes : dans la discipline de l’adresse et le sens de la mesure. La salle, elle, a rendu l’appareil par une écoute dense, ce long moment suspendu qui est, au fond, la marque d’une confiance réciproque.
Ce retour oranais a également une portée culturelle. On lira, à juste titre, l’importance d’une présence féminine forte, dans une soirée majeure du calendrier artistique. La citation attribuée à Winnie Mandela, souvent associée à l’artiste « To those who oppose us, we say, ‘Strike the woman, and you strike the rock’ » trouve ici un écho particulier : à Oran, la « roche » n’est pas une posture martiale, mais une constance : chanter, revenir, occuper la scène et, ce faisant, élargir l’espace commun.
Il faut enfin noter la simplicité avec laquelle cette réapparition s’est jouée. Souvent, les « retours » s’encombrent de sur-mise en scène ; celui-ci a préféré la clarté. Une entrée, une tenue, une voix, et la salle pour témoin. Paradoxalement, c’est ce refus du spectaculaire qui lui donne sa force : il laisse la narration au public, à chacun d’y lire le signe qu’il attendait—l’artiste retrouvée, l’élan d’une génération, ou simplement la joie d’une soirée de cinéma qui s’ouvre en musique.
Raja Meziane n’a pas « fait un retour » ; elle a repris place. Et cette nuance change tout : la scène n’était pas un seuil à franchir, mais un espace à réhabiter.
La suite appartient désormais aux dates et aux rencontres, à ce que ce moment autorisera : davantage de scènes, peut-être, des projets qui gagneront à se nourrir de cette énergie retrouvée avec le public d’ici. Mais quoi qu’il advienne, l’image d’un karakou rouge découpant la lumière oranaise restera comme une vignette forte : le pays et l’artiste se sont à nouveau croisés, et l’on sait d’expérience que ce type de croisement laisse des traces durables, dans les mémoires comme dans les répertoires.
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