Alors que l’Algérie frôle les 47 millions d’habitants, un constat inédit s’impose : les Algériens se marient moins, et font moins d’enfants. Derrière ces chiffres froids se dessine une société en pleine transformation, entre rêves différés, mutations sociales et réalités économiques pesantes.
Selon le dernier rapport du ministère de la Santé, 29 % de la population algérienne a moins de 15 ans, tandis que la tranche des 15-59 ans représente 59 % du total. Pourtant, cette jeunesse, si nombreuse, n’épouse plus aussi vite ni aussi souvent qu’avant.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : les mariages sont passés de 387 000 en 2014 à 282 000 en 2023, soit une chute de plus de 27 %. Une baisse brutale, dans un pays où l’union conjugale a longtemps été une étape fondatrice et quasi incontournable. Parallèlement, les divorces sont en hausse : en 2023, l’Office national des statistiques (ONS) a recensé 91 402 divorces pour 278 664 mariages célébrés la même année, soit un taux de rupture de 33,5 % (en savoir plus). Ce double mouvement – recul des unions et multiplication des séparations – illustre une société en recomposition, où les normes familiales se réinventent sous l’effet combiné de la modernisation, des influences culturelles et de la montée de l’individualisme.
Ce recul s’accompagne d’un autre phénomène : l’élévation de l’âge moyen au mariage. En 2023, les femmes se mariaient en moyenne à 27 ans, et les hommes à 34 ans. « C’est tout simplement le reflet d’une génération qui doute, attend, repousse. Beaucoup veulent d’abord une stabilité financière, une carrière, ou même... une liberté qu’on ne veut plus sacrifier si vite », analyse une sociologue à l’université de Bouzaréah.
Le mariage n’est plus perçu comme une urgence, mais comme un projet conditionné à des critères de confort matériel et d’épanouissement personnel. Pour certaines femmes, il n’est même plus un objectif prioritaire. « Ma mère me parle souvent de mon futur mari. Moi, je lui parle de mon futur master », ironise Lilia, 26 ans, étudiante en pharmacie à Tizi Ouzou.
Autre conséquence directe : la chute du nombre de naissances. Le ministère prévoit 873 000 naissances en 2025, un chiffre historiquement bas pour le pays. Dans une société encore largement influencée par les modèles familiaux traditionnels, cette évolution interpelle.
Le coût de la vie, l’inflation, le manque de crèches et la pression sociale pèsent lourd dans la décision d’avoir des enfants. « Ce n’est pas qu’on ne veut pas d’enfants, c’est qu’on ne veut pas les faire souffrir dans un pays qui ne garantit rien », confie un jeune couple à Alger.
Le recul du mariage ne signifie pas pour autant un rejet total de l’institution. Il traduit une envie croissante de la repenser. Certains couples choisissent de vivre en union libre, bien que cela reste socialement marginal. D'autres préfèrent attendre longtemps avant de franchir le pas, y voyant une décision sérieuse nécessitant des bases solides.
Chez les femmes, on note également une volonté d’émancipation croissante. L’éducation, le travail, les voyages, l’indépendance financière : autant de priorités qui redéfinissent leur rapport au couple et à la maternité. Le modèle de la mère au foyer cède progressivement la place à celui de la femme active, maître de ses choix et de son corps.
Ce tournant démographique interroge. Si la baisse des naissances peut sembler positive dans un contexte de crise économique, elle annonce aussi un vieillissement progressif de la population. Aujourd’hui, 11 % des Algériens ont plus de 60 ans. Et demain ?
Le gouvernement devra sans doute repenser ses politiques : favoriser l’accès au logement, soutenir les jeunes parents, promouvoir l’égalité professionnelle, et surtout, écouter les aspirations d’une jeunesse qui ne veut plus vivre les choix de ses aînés.
La baisse des mariages et des naissances ne signifie pas une crise des valeurs, mais plutôt une reconfiguration silencieuse du tissu social. L’Algérie ne renonce pas à la famille : elle cherche juste une autre manière de la vivre, plus libre, plus consciente, plus exigeante.
Pensez-vous que la baisse des mariages en Algérie est un problème ?
Rejoignez la communauté Dzirielle !
Accédez aux commentaires, recevez nos contenus exclusifs et partagez votre avis avec d'autres passionnées de mode, mariage et culture DZ 💬
Créer mon compteDéjà membre ? Connectez-vous ici
Aucun commentaire pour le moment... Et si vous ouvriez le bal ? Votre avis compte, partagez-le avec nous ! Pour cela, rien de plus simple, connectez-vous en cliquant ici