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OZEMPIC : le bilan glaçant d'une injection miracle devenue poison social

Derrière la promesse minceur, Ozempic soulève des questions sanitaires et éthiques. Retour sur un phénomène devenu poison social.

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Il suffit d’une piqûre par semaine. Une seringue préremplie, quelques secondes d’injection… et des kilos qui s’envolent. C’est la promesse d’Ozempic, médicament à base de sémaglutide initialement destiné aux diabétiques, devenu en quelques mois un véritable phénomène de société. Sur TikTok, Instagram, dans les dîner mondains comme dans les couloirs de certaines cliniques : tout le monde ne parle que de lui. Mais derrière l'effet magique, le réveil est brutal. Car ce qui semblait être une révolution minceur se transforme en affaire de santé publique.



Ozempic, mis au point par le laboratoire danois Novo Nordisk, est à l’origine un médicament destiné aux personnes atteintes de diabète de type 2. Il agit en imitant une hormone appelée GLP-1, naturellement produite par l’intestin, qui joue un rôle central dans la régulation de la glycémie. Concrètement, cette hormone ralentit la vidange gastrique, augmente la sensation de satiété et stimule la libération d’insuline. Ce mécanisme permet non seulement de stabiliser la glycémie après les repas, mais également de réduire l’appétit de façon significative.

Ce que les chercheurs n’avaient pas anticipé à grande échelle, c’est que l’un des effets secondaires majeurs de ce traitement – la perte d’appétit – allait se transformer en argument de vente non officiel. Très vite, certains patients traités pour leur diabète ont commencé à constater une perte de poids rapide. Les réseaux sociaux se sont emparés du phénomène, et des célébrités y ont vu un allié minceur inattendu. Le sémaglutide, molécule active d’Ozempic, est alors devenu un produit convoité bien au-delà de son indication initiale.

Le médicament a commencé à circuler dans les sphères privées, les cercles VIP, les cliniques esthétiques, et même sur le marché noir. Ozempic, qui devait aider à gérer une maladie chronique, s’est retrouvé érigé en coupe-faim miracle, réservé à celles et ceux prêts à payer le prix – au sens propre comme au figuré. Une injection hebdomadaire, peu d’efforts à fournir, et des kilos en moins : la tentation est grande, surtout dans une société obsédée par la minceur express. Mais à quel coût pour la santé, la morale médicale et l’accès des véritables patients au traitement ? C’est là que commence la véritable controverse.

Aux États-Unis, Ozempic n’est pas devenu célèbre grâce à une campagne pharmaceutique classique, mais bien par le pouvoir de la célébrité et des réseaux sociaux. L’engouement a été lancé par des personnalités aussi influentes que Kim Kardashian, devenue au fil des années une référence en matière de silhouette sculptée. Des rumeurs insistantes, jamais formellement démenties, l’ont associée à l’utilisation d’Ozempic pour maintenir sa taille de guêpe. Elon Musk, quant à lui, a été plus direct. Lors d’un échange sur Twitter en 2022, il a cité le sémaglutide comme l’un des secrets de sa transformation physique, confirmant ce que beaucoup soupçonnaient déjà : une nouvelle ère de « minceur injectée » était en marche.

La sphère hollywoodienne s’est alors emparée du phénomène. Acteurs, mannequins, influenceuses… tous ou presque y ont vu un allié précieux pour rester dans les standards très stricts du paraître. Très vite, des hashtags comme #ozempicface ou #ozempicweightloss ont inondé TikTok, alimentant une viralité sans précédent. Certaines vidéos, parfois médicalement douteuses, cumulent plusieurs millions de vues. Des médecins américains tirent la sonnette d’alarme, mais rien n’y fait : le sémaglutide devient un élixir convoité, bien au-delà du cercle des patients diabétiques.

La tendance a rapidement franchi l’Atlantique. En Europe, puis en Algérie, des cliniques privées, souvent haut de gamme, auraient commencé à le proposer à des patientes non diabétiques, uniquement motivées par la perte de poids. Le tout, parfois sans encadrement médical rigoureux. Résultat : une explosion de la demande, des ruptures de stock fréquentes, et des diabétiques, les vrais, qui peinent désormais à trouver leur traitement. Pendant ce temps, les filtres Instagram et les silhouettes retouchées continuent de propager un idéal mince… devenu une injonction silencieuse à s’injecter le rêve.

« J’ai perdu 12 kilos en deux mois, sans sport, sans régime, juste avec une injection par semaine. » Ce genre de témoignage fait rêver, tant il incarne l’obsession contemporaine du corps transformé sans effort. Sur les réseaux sociaux, les avant/après s’enchaînent, les selfies se multiplient, et les récits d’utilisatrices euphoriques pullulent. Ozempic est ainsi devenu le symbole d’une minceur sans sueur, un raccourci vers un idéal corporel érigé en norme. Mais derrière l’euphorie virale, la réalité clinique est tout autre.

Pour beaucoup de femmes – car ce sont elles, majoritairement, qui se tournent vers le sémaglutide en dehors de tout cadre médical –, l’envers du décor est brutal. Nausées persistantes, vomissements incontrôlables, constipation chronique, fatigue à l’effort, vertiges… le cocktail d’effets secondaires est loin d’être anodin. La perte d’appétit, tant recherchée, vire souvent à l’écœurement généralisé : manger devient une corvée, et les repas une source d’angoisse. Certaines rapportent des chutes de cheveux importantes, des troubles du sommeil, ou encore une perte de libido.

Mais au-delà du corps, c’est aussi le mental qui trinque. L’usage non encadré d’Ozempic favorise l’émergence de véritables troubles du comportement alimentaire. Des femmes décrivent une obsession croissante pour la balance, un contrôle anxieux de chaque calorie, une peur panique de « regrossir » à la moindre bouchée. L’isolement social s’installe parfois, tant la relation à la nourriture devient conflictuelle. Certaines préfèrent ne plus sortir dîner, de peur de « gâcher les résultats ».

Le plus alarmant ? Cette souffrance est souvent tue, dissimulée derrière une image lisse et maîtrisée postée sur Instagram. Car dans le culte du corps parfait, même la douleur devient invisible. Et la santé, elle, s’efface doucement derrière la promesse d’un miroir plus flatteur.

Le problème, c’est que dans l’ombre des réseaux sociaux et des groupes privés de messagerie, une nouvelle économie parallèle du corps s’est installée. De plus en plus d’utilisateurs – principalement des femmes jeunes ou quadragénaires actives – se procurent Ozempic en dehors de toute prescription médicale, souvent par le biais de pages Instagram, de pseudo-coachs ou de contacts à l’étranger. Dans bien des cas, il n’existe ni suivi médical, ni information claire sur les risques. L’injection devient un rituel hebdomadaire quasi anodin, glissé entre un rendez-vous esthétique et une séance de sport, comme s’il s’agissait d’un simple complément minceur.

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Les médecins, eux, alertent avec insistance. Car le sémaglutide est loin d’être une molécule anodine. Il agit en profondeur sur les récepteurs hormonaux de type GLP-1, qui influencent non seulement l’appétit mais aussi l’insuline, la digestion, et certains circuits neurologiques. Pris sans surveillance, il peut provoquer des effets indésirables graves : pancréatites aiguës, calculs biliaires, inflammations digestives, et dans certains cas, des troubles de l’humeur ou des épisodes anxieux sévères. Les psychiatres commencent d’ailleurs à documenter des cas d’addiction comportementale liée à l’obsession de la perte de poids rapide induite par Ozempic.

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Autre danger majeur : l’arrêt brutal. Car lorsqu’on cesse les injections, le corps, privé de son signal artificiel de satiété, réagit. L’appétit revient en force, les fringales explosent, et la reprise de poids est souvent plus rapide et plus violente qu’avant. C’est le fameux effet yo-yo, accentué par le dérèglement hormonal induit. Certaines patientes racontent avoir repris jusqu’à 8 ou 10 kilos en quelques semaines. Loin du miracle minceur vanté sur les écrans, Ozempic devient alors un piège biologique dont il est difficile de se libérer.

En France, l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a tiré la sonnette d’alarme. En 2023, elle a rappelé que l’usage d’Ozempic pour la perte de poids chez les non-diabétiques est formellement déconseillé. Certains pays, comme l’Australie ou le Canada, ont même restreint la prescription aux seuls patients diabétiques. Malgré cela, la demande ne faiblit pas, et les prescriptions de complaisance explosent. Un développement d'un marché noir s'est même développé.

La question éthique se pose avec acuité : faut-il céder à la pression esthétique au détriment de la santé ? Que dit ce succès fulgurant d’Ozempic de notre société obsédée par la minceur rapide, à tout prix ?

L’Algérie face au mirage

Dans les cercles privés algériens, Ozempic circule. Discrètement, parfois illégalement. Des injections se font sous le manteau, des flacons sont ramenés d’Europe, des pages Instagram les proposent sous forme de "coaching" minceur. Les pharmacies, elles, sont souvent en rupture de stock, au grand dam des véritables patients diabétiques.

Peu de réglementation, pas de campagnes d’information officielles. Le flou est total. Pourtant, les risques sont réels. Et l’absence de suivi médical pourrait transformer cet engouement en crise sanitaire.

Ozempic soulève une question bien plus profonde que la perte de poids. Celle de notre rapport au corps, au temps, à l'effort. Dans une société algérienne de plus en plus connectée aux tendances mondiales, l’injonction à la minceur express se banalise. Mais elle a un coût : physique, psychologique, éthique.

Peut-on vraiment décider qu’un corps doit être "corrigé" chimiquement ? Pourquoi valorise-t-on la perte de poids sans se soucier de la manière dont elle est obtenue ? Et surtout, qui en paie le prix ?

Une illusion dangereuse

Ozempic n’est pas une solution miracle. C’est un traitement médical lourd, avec des effets secondaires importants, réservé à une population précise. L’utiliser comme outil esthétique, c’est confondre le soin et la performance. Et c’est mettre sa santé en jeu pour une image que la société nous impose. Avant de s’injecter un nouveau rêve minceur, il est peut-être temps de se demander pour qui, pour quoi, et à quel prix.

Et vous, que pensez-vous de l’engouement autour d’Ozempic ?





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