Pour commencer, qu’est-ce qui vous a motivé à participer à ce concours ?
J’ai découvert le concours grâce à son organisatrice, Madame Ismahan Ouaret, qui avait vu certaines de mes photos. C’est elle qui m’a proposé d’y participer — et je la remercie sincèrement. À ce moment-là, je préparais justement une série de clichés avec un modèle en haïk. L’idée était de redonner une certaine fraîcheur à cet habit traditionnel, qui incarne à mes yeux une facette précieuse de l'identité algérienne.
Comment votre passion pour la photographie a-t-elle commencé ?
Mon père m’a offert un appareil photo argentique lorsque j’avais 10 ans. L’année suivante, ma mère m’en a acheté un autre, car je ne trouvais pas de pellicules adaptées au premier. C’est là que tout a commencé. Je photographiais tout ce qui m’entourait : la famille, les amis. J’étais très influencé par mon oncle, un passionné d’image. Il nous parlait souvent de ses formations et de sa fameuse chambre noire. Il a été une vraie source d’inspiration.
Utiliser la technologie pour valoriser la tradition, c’est original... mais un peu osé. Qu’en pensez-vous ?
Osé ? Tout dépend du regard ! Si l’on prend l’exemple du concours, l’objectif était justement de revaloriser le haïk. Pour cela, il fallait des approches nouvelles, des sensibilités différentes, que certains qualifieraient de “modernes”. Tant que la technologie est au service de la tradition, tant qu’elle la respecte, ce n’est pas osé. C’est nécessaire.
Si vous deviez résumer en quelques mots votre photo primée, que diriez-vous ?
La pureté. Un nouveau départ. La tradition. L’Algérienne. La mystérieuse.
Pour vous, le haïk symbolise-t-il une Algérie traditionnelle ou une Algérie révolutionnaire ?
Les deux. Le haïk, c’est la tradition et la résistance. C’est la dignité. C’est un tissu qui a traversé l’histoire et qui porte en lui la fierté d’un peuple enraciné dans des valeurs saines.
La photographe Martine Franck disait : « Une photographie, c’est un fragment de temps qui ne reviendra pas. » Vous êtes d’accord ? Peut-on en dire autant du haïk ?
Je partage totalement cette vision. Chaque photo est unique, irréversible. On croit saisir l’instant, mais ce qu’on capture, ce n’est qu’un grain de sable dans un océan de mouvements.
Quant au haïk, je veux croire qu’il reviendra. Il symbolise l’Algérie. Et si chacun d’entre nous apporte son grain de sable pour préserver cet héritage, nous pourrons bâtir quelque chose de solide. C’est une idée que m’a transmise un immense photographe injustement oublié : Monsieur Mohammed Khelil. Son optimisme m’habite.
La mode est au vintage. En regardant les autres clichés du concours, on ressent cet esprit rétro. L’Algérie assume-t-elle enfin son style photographique ?
L’Algérie a toujours porté cet esprit rétro en elle. Ce qui change, c’est qu’on a maintenant plus d’outils pour l’exprimer. La photographie est devenue accessible à tous, et son impact est considérable. L’image permet de dire tant de choses, de réveiller une mémoire collective.
Votre photo illustre la tradition tlemcénienne. Or en 2012, Tlemcen a été désignée capitale de la culture islamique. Était-ce une façon pour vous de lui rendre hommage ?
Oui, rendre hommage à Tlemcen. Oui, rendre hommage à l’Algérie. Mais je ne lie pas mon travail à l’événement officiel de cette année.
Aujourd’hui, il y a tellement de traditions perdues que réussir à préserver ce qui nous reste est déjà un acte fort. Le haïk fait partie de ces éléments qu’il faut sauvegarder — non pas dans un musée, mais dans la mémoire vivante du peuple.
Votre galerie photo invite au voyage, à la découverte. Qu’aimez-vous le plus photographier ?
L’Homme. Je me déplace beaucoup, et à chaque endroit je rencontre des gens, des traditions, des réalités. Ce sont ces visages, ces regards, ces silences que j’aime figer. Chaque portrait est une histoire. Derrière chaque expression, il y a un vécu. Et chaque terre porte en elle la joie ou la douleur de ceux qui la foulent avec sincérité.
La femme algérienne est souvent au cœur de vos images. Est-elle la muse des photographes algériens ?
Elle est bien plus que ça. La femme algérienne ensorcelle, bouleverse. Elle est la muse par excellence. Et pourquoi pas la muse du monde entier ? Mais un peu d’égoïsme patriotique ne fait pas de mal : c’est notre muse à nous.
Un dernier mot pour les lectrices de Dzirielle ?
Vous êtes les muses de notre Algérie, par votre beauté et votre bonté. Que Dieu vous protège, pour vous-mêmes, pour nous, et pour elle.