Ce n’est pas une révolution, mais c’est un début. Une bouffée d’oxygène attendue depuis longtemps par des milliers de femmes invisibles. Avec l’instauration d’une allocation mensuelle de 7 000 DA pour les femmes au foyer sans revenu, l’État algérien envoie enfin un signal : celui de la reconnaissance du travail domestique, souvent relégué au rang de “devoir naturel”, jamais rémunéré, rarement valorisé.
Combien de femmes, chaque jour, assurent la logistique silencieuse de la société – élever des enfants, prendre soin des aînés, faire tourner le foyer – sans qu’aucun salaire ne vienne soutenir leur dévouement ? Cette prime modeste, prévue par le décret exécutif n°24-325, est peut-être la première pierre d’un changement de regard. Elle rappelle que l’économie ne se construit pas uniquement dans les bureaux, les usines ou les marchés. Elle se construit aussi, et surtout, dans les foyers.
Une femme au foyer n’est pas une femme inactive. Elle est le cœur battant du foyer, souvent invisible dans les statistiques, mais indispensable au quotidien. Elle est, tour à tour, gestionnaire du budget familial, psychologue pour ses enfants, coiffeuse improvisée, infirmière de garde, elle donne des cours particuliers après l’école, cuisinière, nutritionniste et aide-ménagère et animatrice. Son travail ne connaît ni horaires fixes, ni congés, ni reconnaissance institutionnelle. Et pourtant, c’est elle qui assure la stabilité, la propreté, l’organisation et le bien-être émotionnel de la cellule familiale, au détriment, bien trop souvent, de son propre bien-être.
La mise en place de cette allocation mensuelle de 7 000 dinars constitue donc une avancée symbolique forte. Elle vient reconnaître, pour la première fois de manière officielle, que le travail domestique est un vrai travail. Que l’économie algérienne tient aussi grâce à ces femmes silencieuses, qui sacrifient leur carrière pour élever une génération, prendre soin d’un mari malade ou faire face, seules, à toutes les responsabilités du foyer.
Mais dans sa définition actuelle, la mesure reste limitée à certains profils : femmes sans aucun revenu, officiellement cheffes de famille, et âgées de moins de 60 ans. Or, la réalité est plus complexe. Une mère au foyer dont le mari touche un revenu modeste n’est pas pour autant à l’abri de la précarité. Une femme divorcée avec une pension alimentaire irrégulière n’a pas forcément les moyens de vivre dignement. Et une femme qui assume tout sans être reconnue administrativement comme "cheffe de famille" ne devrait pas être ignorée.
Valoriser les femmes au foyer, c’est aussi reconnaître la diversité de leurs situations. C’est leur dire qu’elles comptent, qu’elles méritent plus qu’une gratitude morale : une sécurité, une place dans le débat public, et une protection adaptée à la réalité de leurs vies.
Cette allocation est un symbole. Elle montre que les choses bougent, lentement. Elle montre que l’État commence à admettre que le travail invisible doit, lui aussi, être pris en compte. Elle montre qu’on peut ouvrir la voie à d’autres formes de justice sociale : l’accès à la protection sociale, à la retraite, à la reconnaissance statutaire des femmes au foyer.
À Dzirielle, nous pensons que cette prime ne doit pas être une fin, mais un début. Une base sur laquelle construire une politique plus équitable, plus humaine, plus à l’écoute des femmes. Nous voulons croire que demain, cette mesure ne sera plus l’exception, mais la norme. Et qu’enfin, le temps, l’énergie et l’amour donnés dans l’ombre auront une juste place dans la lumière.
À toutes celles qui se battent sans lever la voix, cette reconnaissance vous revient. Et nous, nous resterons là pour porter la vôtre.
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