Article dont parle Ghazalla.
Source liberté du 25 mai 2015 par Hafida Ameyar
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L’égalité dans l’héritage vue par l’avocate Nadia Aït-Zaï
“Le plaidoyer maghrébin sera prêt fin 2015”
L’Algérie et ses voisins, marocain et tunisien, vont lancer une campagne sur l’égalité dans l’héritage. Nadia Aït Zaï, juriste et directrice du Centre d’information et de documentation sur les droits de l’enfant et de la femme (Ciddef), s’exprime dans cet entretien sur le projet en question et revisite, au passage, le code de la famille, notamment ses aspects inégalitaires qui retardent la construction des relations hommes-femmes.
Liberté : Dans le mouvement associatif, le Ciddef s’est distingué sur la question de l’égalité dans les successions. Pourquoi cet intérêt ?
Nadia Aït-Zaï : Cette question va dans le sens de notre principal objectif, celui d’œuvrer à l’effectivité de l’égalité, une valeur universelle consacrée par la Constitution algérienne. L’État s’est engagé à lever tous les obstacles qui entravent l’épanouissement de la personne humaine, particulièrement ceux liés à l’exercice des droits de la femme. Cela a été conforté et renforcé par la criminalisation de la discrimination définie par le code pénal le 14 février 2014. Pour que cela ne reste pas qu’un énoncé de bonnes intentions, nous entreprenons des actions de plaidoyer pour consacrer l’égalité dans les faits. Lorsqu’on examine la construction des relations hommes-femmes dans le code de la famille, celles-ci sont inégalitaires à bien des égards, dans le mariage, le divorce, la filiation, les effets du divorce et les successions. Le législateur n’a pas tranché vraiment pour des relations égalitaires entre les membres d’une même famille et entre les époux. Même si les amendements de 2005 ont consacré l’égalité, dans certains articles concernant l’âge au mariage et la gestion du ménage, la hiérarchisation des sexes demeure, hélas, le socle de la construction des rapports dans la famille. Néanmoins, pour les biens acquis pendant le mariage, le législateur a introduit une disposition dans le code de la famille visant à corriger des injustices que vit l’épouse, dans le partage du patrimoine, au décès de son époux ou en cas de divorce. Selon l’article 37, ce patrimoine pourra être partagé comme l’entendent les époux, dans l’acte de mariage ou par acte authentique ultérieur. Ceci est important, car ce que nous avons mis en évidence en parlant de l’égalité dans l’héritage, c’est la contribution des femmes, de leur apport économique à la construction du patrimoine familial.
Avez-vous été approchée par des familles ou des personnes pour régler des problèmes d’héritage ?
Au centre d’écoute du Ciddef, toute personne peut venir pour un conseil, une orientation ou un accompagnement juridique. C’est lors de ces rencontres et visites que les problèmes de succession se sont posées ; les héritiers sont surpris de découvrir l’inégalité dans les parts qui reviennent à la veuve, au fils, à la fille. Ils affichent une incompréhension de ce partage inégal, en ayant intégré dans leur conscience que les règles de l’héritage sont intouchables. Les cas reçus résident dans la difficulté à liquider une succession ou dans la rapidité à le faire, lorsqu’il n’y a pas d’enfant ou lorsque les héritiers sont des femmes : la veuve et ses filles. Une veuve sans enfant hérite du quart de ce que laissera son défunt mari, alors que le mari hérite de la moitié de ce que l’épouse laissera en l’absence d’enfant. Vous remarquerez que les parts sont inégales. Lorsqu’il n’y a que la veuve et les filles, un aceb accompagnera les héritières dans le partage du patrimoine et c’est ce qui étonne les intéressés. Le dernier cas que nous avons reçu est celui d’une veuve avec ses 3 filles, qui découvre qu’elle recevra un 1/8 de la succession, que ses filles auront les deux tiers et le reste est attribué au aceb qui, dans ce cas, est la sœur du défunt. Donc, l’épouse recevra les 3/24 de ce qu’il y a à partager, les filles les 16/24, et la sœur (aceb) du défunt les 5/24. L’épouse ayant contribué à la construction de ce patrimoine, avec l’apport de son argent, aura moins que la sœur aceb, qui a fait sa vie par ailleurs, avec un mari et des enfants.
C’est une injustice flagrante, sans compter sur le principe inégal qui est celui de donner une double part au garçon et une part à la fille, dans ce qu’aura laissé le père défunt. Très souvent, ce sont les filles qui nous consultent, car ce sont elles qui ont acheté l’appartement familial ou contribué à le faire du vivant du père. Elles se retrouveront à la rue avec leur mère, car cet unique bien à partager, devenu litigieux, est vendu malgré leur refus.