Jean Mouloud, si tu n’es pas croyante, je comprends tout à fait ton raisonnement car ça voudrait dire que pour toi le monde est dénué de transcendance tout est dans l’ici et maintenant et il n’y a de "libération" possible que sur terre dans notre relation aux autres et aux choses. Maintenant dis toi que pour des croyants ça n’a rien à voir. La croyance en Dieu permet au fidèle d’être libre même s’il est réduit en esclavage par des hommes car il sait que sa vraie liberté est ailleurs. Le croyant, qui ne cherche sa liberté qu’en Dieu, sera donc toujours plus libre que quelqu’un qui mesure sa liberté à l’aune du monde sensible : liberté de mouvement, liberté de choix, liberté de goût. Tout ça est illusoire parce que guidé par une puissance supérieure qui est Dieu. Aller contre sa volonté c’est se perdre contre un torrent.
Un petit texte qui l’exprime bien (même s’il parle des dieux polythéistes, c’est une image car l’auteur est catholique, ce qu’il faut lire c’est le fond) :
"Le vieillard qui présidait proposa trois questions qui devaient être décidées par les maximes de Minos. La première question fut de savoir quel est le plus libre de tous les hommes. Les uns répondirent que c’était un roi qui avait sur son peuple un empire absolu et qui était victorieux de tous ses ennemis. D’autres soutinrent que c’était un homme si riche qu’il pouvait contenter tous ses désirs. D’autres dirent que c’était un homme qui voyageait pendant toute sa vie en divers pays sans être jamais assujetti aux lois d’aucune nation. D’autres s’imaginèrent que c’était un barbare qui, vivant de sa chasse au milieux des bois, était indépendant de toute police et de tout besoin. Quand mon rang fut venu, je n’eus pas de peine à répondre, parce que je n’avais pas oublié ce que Mentor m’avait dit souvent. "Le plus libre de tous les hommes, répondis-je, est celui qui peut être libre dans l’esclavage même. En quelque pays et en quelque condition qu’on soit, on est très libre pourvu qu’on craigne les dieux et qu’on ne craigne qu’eux. En un mot, l’homme véritablement libre est celui qui, dégagé de toute crainte et de tout désir, n’est soumis qu’aux dieux et à sa raison".
Fénelon, Les Aventures de Télémaque.
Voilà.
Maintenant il faut appliquer tout ça au voile. Le hijab n’est pas seulement un morceau de tissu, l’intégralité de la tenue doit être pudique et les manières d’une femme en public doivent être réservées et calmes. Le voile a une valeur spirituelle puisque toute femme doit le mettre pour prier, il est un élément de sacralité. Le voile a aussi une valeur vis à vis de l’autre sexe, le but est de se dérober aux regards d’envie en imposant le respect. Le corps de la femme n’est pas le même que celui de l’homme : le corps masculin est puissant il est adapté aux travaux de force, le corps de la femme est sensuel il est adapté à la douceur, à la tendresse il est aussi endurant et puissant d’une autre manière, toute sa physiologie d’une femme est adaptée dans le but de faire naître la vie même aux dépends de sa propre vie (cf. la vasoconstriction bien plus accentuée chez la femme que chez l’homme : lorsqu’il fait froid, le sang quitte les extrêmités et se loge près des organes vitaux et du ventre pour les réchauffer). Par contre il est évident que le corps de la femme est fragile en ce qui concerne la force brute : en face d’un homme de stature équivalente, elle n’a aucune chance en conflit direct. Du coup il lui faut d’autres moyens de protection : la pudeur et le respect qui lui sont dus en sont de très efficaces. Le voile matérialise efficacement la distance qu’un homme doit maintenir avec une femme qui n’est pas la sienne et qui ne fait pas partie de sa famille. C’est le CONTRAIRE d’une soumission à l’homme : la femme sort du rapport de séduction, ou de la relation, par conséquent on ne peut pas envisager une hiérarchie puisque la femme refuse qu’il y ait quelque relation que ce soit. Ce faisant elle se détache non seulement de la possible domination de l’homme mais également du désir masculin qui tend a la réifier et à la rendre vulnérable (parce qu’elle se met dans la position d’un objet qu’on convoite).
Le voile est un commandement de Dieu, toute femme qui s’y applique avec l’intention de marcher dans la voie de la rectitude fait un acte d’adoration et de soumission. L’homme et la femme sont sur terre pour adorer Dieu, ce faisant (entre autres), la femme réalise ce pour quoi elle a été créée. D’où l’apaisement qui emplit souvent la femme qui fait le choix de se voiler. Moi personnellement je me suis sentie mieux avec moi même, mieux avec les autres, plus confiante (parce que j’étais sure d’être écoutée pour ce que j’avais à dire et non pour mon décolleté ou ma jolie coupe de cheveux). Je me suis sentie pleine d’amour pour Dieu et j’envie à l’avance les moments que je prendrais pour me faire belle pour l’homme que j’aime quand il sera mon mari nchallah. Quel contentement de passer du temps, à l’abri, à prendre soin de soi pour s’offrir à celui qu’on aime est qui, avec notre famille, nous est tout. Quel intérêt de montrer au monde ce dont Dieu nous a pourvu pour séduire? L’important est de séduire un homme et de fonder un foyer, considérons donc combien étaler notre intimité est dangereux pour la femme et le couple! Si toutes les femmes faisaient attention à leurs regards et à leur pudeur, si tous les hommes faisaient attention à leur regard et à leur pudeur, que de problèmes évités! Allah est grand. Il exhorte le meilleur et il n’est pas bien difficile de s’en rendre compte. Quel intérêt y a t il a se faire belle pour l’extérieur? Les femmes qui y attachent tant de prix se laissent même généralement aller quand elles sont chez elles avec leurs maris! Tout à l’envers! Se faire belle pour les gens qui comptent et maintenir une distance respectueuse pour le commun des gens. C’est un acte d’amour et c’est aussi une façon de se préserver contre la coquetterie mal dirigée, la vulgarité ou l’orgueil.
L’islam est une religion de modération et de juste milieu. Elle enseigne qu’il ne faut pas nier ce que l’on est (que la femme aime séduire par sa beauté, que l’homme aime posséder la femme etc etc.) mais qu’il faut le comprendre dans certaines bornes. Il y a un temps pour que la femme mariée soit séductrice, c’est chez elle. Il y a un temps pour que l’homme possède sa femme, c’est après le mariage. Et rien n’est plus sage. Tout cela influe sur toute un modèle familial et partant, tout un modèle de société.
Alors non, c’est pas un bout de tissu sur la tête, c’est une façon de concevoir son rapport à l’autre et au monde, une façon d’entrer dans la sacralité lors de la prière, une façon d’adorer Dieu. C’est en apparence une petite chose pour celui qui ne croit pas, mais les croyants savent que ç’en est une grande comme le plus petit acte d’adoration sincère est d’une valeur infinie.