
chahrazadz1955 · 8 juin 2011 à 11:45
Chaque quartier a -ou avait- la sienne. Chacune porte un nom évocateur d'un morceau de la vie de tous les jours. La fontaine est souvent un point de ralliement. C'est aussi l'identité du lieu.
Les fontaines publiques, de moins en moins nombreuses et de plus en plus asséchées dans la Casbah -le noyau historique de la capitale algéroise- continuent d'alimenter l'essentiel des foyers. Mème là où l'arrivée d'eau courante existe, elles sont pratiquement réservées au seul usage du propriétaire et aux rares locataires à mème de faire face à des charges aussi régulières qu'imprévisibles.
La fontaine de quartier reste la principale source d'approvisionnement. Les enfants ou, à défaut, les porteurs d'eau spécialisés payés au mois, pour la livraison quotidienne d'une quantité précise, charrient chaque jour seaux et bidons d'eau potable.
La fontaine publique constitue à la fois un espace de rencontre pour les porteurs d'eau, une source claire, un élément de dévotion édifié auprès d'un minaret au croissant élevé vers le ciel.
Avec le règne des pachas au XVIIIe siècle apparait l'architecture des fontaines aux vases de marbre blanc, moiré et opalin, aux formes antiques et décorées d'arabesques rythmées.
Alger, comme toutes les autres villes du soleil couchant, "le Maghreb", recençait près de 150 fontaines. Parmi les favorites des Algéroises, on signalait la fontaine de Sidi Abd El Kader, celle de Sidi Ali Ezzouaoui, celle de Zoudj-Ayoùn, de Ain M'zaouka, de Ain M'hamed-E-Cherif…
Les marins accordaient une vertu protectrice à la fontaine de l'Amirauté et ne manquaient jamais de venir boire son eau douce avant chaque départ vers les lointains. De cette fontaine de l'ancien port subsiste l'encadrement originel qui était, à l'époque selon les écrits, orné de magnifiques faiences où la couleur bleue dominait.
Une inscription au dessus de cette fontaine explique : "Ali Pacha, ayant examiné parfaitement ce monde périssable, / a songé à gagner son salut par l'emploi de ses richesses tout en élevant une construction. / Il a fait couler ces fontaines qui donnent la vie et la pureté. / Il espère en son coeur des éloges sincères, que Dieu soit satisfait de lui ! / Puisse-t-il ètre admis sans jugement au plus haut du paradis."
Année 1178 de l'Hégire (1764-1765);
Dans les petites ruelles de la Casbah, s'approcher d'une fontaine donne aux enfants un beau prétexte pour s'asperger à coeur joie. Amusement et bousculades des enfants avec les seaux de toutes les couleurs : bleu, vert, jaune, rouge, une palette de couleurs primaires réveille la rue. Et qu'importe si les mères s'emportent, si les vètements sont trempés, le soleil des terrasses est un ami, le vent léger qui remonte du port de Bab-E-Dzira les sèchera.
*D'après :
- "La Casbah D'Alger, gestion urbaine et vide social", de Djaffar Lesbet -Edition OPU, Alger 1985.
- "La Casbah d'Alger, un art de vivre des Algériennes", de Farida Rahmani - Edition Paris Méditerranée 2003.