
dzprincesse · 24 juin 2006 à 17:27
Discours d'Assia Djebbar à l'Académie française
“L'immense plaie de la colonisation”
L'écrivaine algérienne Assia Djebbar, élue à l'Académie française en juin 2005, a été reçue, jeudi passé, à la coupole de cette institution où elle a prononcé un discours dans lequel elle a rappelé le passé colonialiste de la France et ses prolongements électoralistes actuels.
Profitant de son entrée dans cette institution créée en 1635, l'une des plus prestigieuses de France, Assia Djebbar, 69 ans, a notamment évoqué “l'immense plaie” laissée par 130 années de colonisation en Algérie, son pays natal, ainsi que son attachement à la langue française, “lieu de creusement de mon travail, espace de ma méditation ou de ma rêverie (…) Tempo de ma respiration au jour le jour”, a déclaré la désormais “Immortelle”.
L'émotion qui se laissait deviner, lors de son intervention, due à cette nouvelle prestigieuse élection ne lui est manifestement pas montée à la tête : “La France, sur plus d'un demi-siècle, a affronté le mouvement irréversible et mondial de la décolonisation des peuples. Il fut vécu, sur ma terre natale, un lourd passif de vies humaines écrasées, de sacrifices privés et publics innombrables, et douloureux, sur les deux versants de ce déchirement. Le colonialisme vécu au jour le jour par nos ancêtres, sur quatre générations au moins, a été une immense plaie !” Et c'est avec cette blessure qu'Assia Djebbar a fait le lien avec la politique française marquée par la fameuse loi du 23 février 2005 qui prévoyait, notamment, que les programmes scolaires reconnaissent en particulier le rôle positif de la présence française outre-mer.
S'exprimant sur ce sujet, l'écrivaine algérienne, qui enseigne la littérature française aux USA, a évoqué la “plaie dont certains ont rouvert récemment la mémoire, trop légèrement et par dérisoire calcul électoraliste”, a déclaré la nouvelle académicienne dont la tâche au sein de cette institution sera de veiller au respect de la langue française, d'en composer le dictionnaire.
Dans son discours, l'écrivain Pierre-Jean Rémy a ironisé sur ceux qui se sontrnétonnés de l'entrée à l'Académie d'une Algérienne méconnue du grand public, avant d'évoquer le nom de plume de l'académicienne : “Assia, c'est la consolation, et Djebbar, l'intransigeance. Quel beau choix !”
De son vrai nom Fatima-Zohra Imalayène, Assia Djebbar est la première personnalité nord-africaine à faire son entrée à l'Académie française. Son premier roman, la Soif, écrit à l'âge de 19 ans, est paru en 1955.
Depuis, son œuvre romanesque se veut un moyen de défendre le droit des femmes à l'émancipation. Elle a également écrit les Impatients (1958), les Enfants du nouveau monde (1962). Son roman le plus connu reste, cependant, l'Amour, la Fantasia, parurnen 1985. Assia Djebbar est également lauréate de plusieurs distinctions internationales.
SAMIR BENMALEK/ AFp