
Mota · 3 novembre 2011 à 10:46
Un incendie criminel ravage le siège de Charlie Hebdo
Les locaux parisiens du journal satirique, qui sort aujourd'hui un numéro sur la charia, ont été attaqués au cocktail molotov. Son site Internet a par ailleurs été piraté.
La réponse n'aura pas tardé. Deux jours après l'annonce, par l'hebdomadaire satirique Charlie Hebdo, de la sortie d'un numéro baptisé «Charia Hebdo», avec «Mahomet rédacteur en chef», le siège du magazine a été détruit par un incendie. Situés dans le 20ème arrondissement de Paris, les locaux ont à première vue été attaqués dans la nuit de mardi à mercredi au cocktail molotov. Aucune victime n'est à déplorer mais «tout ce qui nous sert à faire le journal a cramé», selon Stéphane Charbonnier, alias Charb, dessinateur et directeur de la publication de Charlie Hebdo.
Le site internet du journal a par ailleurs été piraté, affichant en lieu et place de sa page d'accueil une image de la grande mosquée de La Mecque, accompagnée de la phrase «No god but Allah» («Pas d'autre Dieu qu'Allah»). Avant cela, un message en anglais et en turc, intitulé «Pour l'Islam», dénonçait l'utilisation de l'image du prophète, que la religion musulmane proscrit.
Pour Charb, le sens de ces attaques ne fait pas de doute : c'est une représaille à la parution annoncée lundi de «Charia hebdo». Le journal satirique avait imaginé ce numéro en réaction à la victoire, en Tunisie, du parti islamiste Ennahda la semaine dernière, ainsi qu'à la proclamation de la loi islamique en Libye. «On avait reçu des menaces (…) mais personne n'a vu ce journal. Les gens ont réagi violemment sur un journal dont ils ignorent totalement le contenu, c'est cela qui est le plus aberrant et le plus débile», a expliqué Charb après l'incendie. Le «Charia hebdo» sera malgré tout dans les kiosques ce mercredi, a-t-il précisé. Ce n'est «pas un journal contre les musulmans (mais) un journal pour dire que l'on peut rire de tout. C'est la meilleure preuve de la liberté et de la démocratie», a précisé le médecin urgentiste Patrick Pelloux, chroniqueur de l'hebdomadaire.
«100 coups de fouet, si vous n'êtes pas morts de rire !»
La Une du journal, dévoilée lundi, affiche un dessin représentant Mahomet visiblement joyeux avec ces mots : «100 coups de fouet, si vous n'êtes pas morts de rire !» Dans ce numéro, on trouve un «édito de Mahomet» intitulé «L'apéro Halal», une double page de dessins pour expliquer «la charia molle» ou encore un supplément «Charia Madame». En dernière page, «les couvertures auxquelles vous avez échappé», un dessin représente Mahomet avec un nez rouge de clown et cette phrase: «Oui, l'islam est compatible avec l'humour».
Cette édition, dont la Une circulait depuis lundi sur les réseaux sociaux, a sucité de nombreux commentaires, dont certains indignés sur Twitter. Ces derniers accusaient le magazine de provocation. «On n'a pas l'impression d'avoir fait une provocation supplémentaire. On a l'impression simplement de faire notre boulot comme d'habitude. La seule différence cette semaine, c'est que Mahomet est en couverture et que c'est assez rare de le mettre en couverture», avait réagi lundi le directeur de la publication.
«Nous sommes un état laïc», rappelle Christine Boutin
Le maire PS de Paris Bertrand Delanoë s'est dit mercredi «révolté». «Si je peux aider Charlie Hebdo à retrouver des locaux pour pouvoir faire vivre son journal et sa liberté, je le ferai», a-t-il ensuite proposé. D'ici là Nicolas Demorand, directeur de la rédaction de Libération, a invité les journalistes de l'hebdomadaire à s'installer dans les locaux de son quotidien. «On se serrera», a-t-il twitté.
Christine Boutin, présidente du Parti chrétien-démocrate et candidate à la présidentielle, a rappelé que «nous sommes un état laïc, toutes les religions et les croyances ont la possibilité d'exister». «Il n'y a pas d'impunité, c'est un acte qui doit donner lieu à des poursuites judiciaires», a affirmé pour sa part le secrétaire général de l'UMP Jean-François Copé.
Évoquant un acte «répugnant», le candidat du Front de gauche à la présidentielle, Jean-Luc Mélenchon, a appelé au respect de la liberté d'expression, et à «ne pas confondre une poignée d'imbéciles, d'abrutis (…) avec la masse de nos compatriotes musulmans qui pratiquent leur foi en toute tranquillité». «Nous condamnons l'incendie, tout en étant vigilant sur l'origine de l'incendie», a réagi le président du Conseil français du culte musulman (CFCM), Mohammed Moussaoui. Tout en rappelant que «le fait même de caricaturer le prophète est considéré comme une offense pour les musulmans», il a jugé la Une du journal de cette semaine moins «violente» que les caricatures qu'il avait publiées il y a cinq ans.
Charlie Hebdo avait comparu au tribunal pour répondre de ces caricatures de Mahomet publiées en février 2006, considérées comme injurieuses par des organisations islamiques. Le journal avait été relaxé par la justice française. La publication de ces caricatures dans des journaux danois, puis d'autres pays d'Europe, avait déclenché de très violentes protestations dans nombre de pays musulmans. L'auteur danois du dessin le plus controversé, Kurt Westergaard, avait même fait l'objet d'une attaque à la hache.
sources: le figaro & alarabiya