Dès l’arrivée des invités, le dispositif donnait le ton : lumière chaude, perspective monumentale sur les pyramides, bande-son solennelle. Au centre de ce ballet visuel, l’idée forte était limpide : célébrer la continuité d’une civilisation en invitant le présent à converser avec l’Antiquité. Des tenues pensées comme des clins d’œil aux reines et aux artisans de l’Égypte ancienne, des bijoux turquoise rappelant les pierres protectrices, des drapés métallisés qui jouent avec le sable et la nuit : tout convergeait vers un engagement esthétique et politique.
Cette écriture du prestige a aussi parlé régional : côté algérien, la ministre de la Culture a assisté à la cérémonie et figurait parmi les délégations invitées, tandis que l’attention médiatique s’est surtout portée sur les grandes figures égyptiennes et internationales et sur la scénographie.
Au premier rang des hommages, Salma Abu Deif, actrice et mannequin égyptienne a déroulé un récit personnel puissant. Sa robe sculpturale réalisée par le styliste Khaled Zahra Azzam, argentée et nervurée, épousait le mouvement d’un drapé antique sans jamais tomber dans le costume. Le choix des pierres bleues, échos du lapis et du turquoise, dessinait une ligne de force entre bijouterie traditionnelle et éclat contemporain. Mais au-delà du look, c’est le texte que l’actrice a livré à ses abonnés qui a fait mouche : une preuve d’amour pour son pays, une invocation d’Hatchepsout comme figure d’audace féminine, et l’idée que porter un vêtement peut être une manière de dire « nous sommes encore là ».
Nous sommes les enfants des Pharaons
Salma Abu Deif
Dans la même veine, Yasmina El Abd a choisi une silhouette architecturée qui modernise le plissé antique : épaule perlée, taille soulignée, lignes sinueuses qui captent la lumière comme la surface d’une jarre poli-or. Une « reine » égyptienne des temps modernes, photogénique sans outrance, immédiatement lisible pour le public international. Plus tactile,
Enfin, d’autres personnalités ont joué la carte du pharaoh-core via des shoots stylisés, certains ont même tenté des images générées par l'IA. Cette hybridation du réel et du virtuel, loin d’être anecdotique, prolonge l’expérience du musée : on y questionne la transmission, la mémoire, la puissance des symboles, puis on la partage à l’échelle planétaire en une série de posts viraux.
Derrière les silhouettes de l’inauguration, différentes signatures stylistiques ont donné chair à la mémoire égyptienne : Fouad Sarkis d’abord, maître des lignes sculpturales, tailles cintrées et traînes qui captent la lumière comme un métal liquide ; ses jeux de plissé et d’épaule structurée convoquent l’idée du plastron sans tomber dans le costume. À ses côtés, Khaled Zahra Azzam orchestre une véritable dynamique scénique : silhouettes lisibles à distance, géométries empruntées aux bas-reliefs, palettes sable–or–lapis et symboles pharaoniques distillés en détails mobiles : la couture comme chorégraphie, taillée pour la caméra. Enfin, Soha Murad mise sur la matière : crêpes denses, satins sablés, broderies en relief qui accrochent l’éclat d’une feuille d’or ; ses drapés croisés et touches de turquoise signent des “reines modernes” au khôl étiré et au glow ambré. Ensemble, ils prouvent qu’un tapis rouge peut réinventer l’iconographie pharaonique en langage couture contemporain précis, désirable, immédiatement iconique à condition d'en conserver l’essence symbolique et d’en maîtriser la mise en scène jusque dans la légende : créateur, styliste, costumier, joaillier, MUA, hair, chorégraphe et codes activés (plastron, or, plissé, turquoise).
L’inauguration du Grand Egyptian Museum; GEM pour les intimes, n’a pas seulement offert des robes spectaculaires : elle a réactivé une narration identitaire. Les silhouettes pharaoniques agissent comme un miroir où la société égyptienne éprouve, en public, son héritage le plus ancien. Dans ce cadre, la mode n’est pas un vernis mais un langage social : elle encode des références (turquoise, or, plissé) qui disent la continuité historique plus que l’actualité politique. Le tapis rouge devient alors un rituel de reconnaissance collective.
Le grand musée d’Égypte n’est pas seulement un monument — c’est l’âme de l’Égypte qui renaît.
L’actrice Hana Shiha
Cette formulation cristallise un sentiment diffus : la renaissance patrimoniale sert d’antidote à la fragmentation du présent. D’où des prises de parole plus tranchées, assumant une identité d’abord nationale, voire civilisationnelle, avant toute autre appartenance.
Nous sommes égyptiens, pas arabes.
Reem Neweshi, reine de beauté égyptienne
Sociologiquement, ces énoncés n’excluent pas nécessairement les cercles d’appartenance (arabité, africanité, méditerranéité) ; ils hiérarchisent les identités en plaçant la matrice pharaonique au premier plan. On retrouve des débats analogues en Algérie : la réaffirmation de l’amazighité, la mise en avant des arts populaires ou du patrimoine andalou sont autant de gestes qui relisent la nation par ses couches culturelles profondes plutôt que par des étiquettes géopolitiques. Dans les deux cas, la scène glamour sert de laboratoire symbolique : un lieu où des élites culturelles testent, sous caméras et projecteurs, des récits de soi qui circulent ensuite sur les réseaux et dans la presse. Le “pharaoh-core” en Égypte comme les retours aux codes maghrébins en Algérie montrent qu’un vêtement peut être un acte de mémoire, parfois contradictoire, toujours signifiant. L’essentiel n’est pas de trancher, mais d’observer comment ces styles négocient, en temps réel, la grammaire des appartenances.
En Égypte, des artistes font de la mode un récit vivant : loin de la nostalgie, l’hommage puise dans la longue durée pour éclairer l’avenir. C’est tout le sens du Grand Egyptian Museum : un lieu qui conserve, étudie et réinvente l’héritage. Qu’il prenne la forme d’une robe ou d’une image, chaque geste ajoute un chapitre à l’histoire et rappelle qu’en Égypte, la mémoire se porte autant qu’elle se raconte.
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