En 2006 déjà, un homme d’affaires turc révolutionnait l’univers du prêt-à-porter féminin destiné aux femmes voilées. Son nom : Mustafa Karaduman. Sa vision : allier foi et élégance, piété et modernité. Son pari ? Oser la couleur, les coupes étudiées et l’allure dans un segment jusque-là souvent réduit à des tenues austères, fades ou trop standardisées.
Nombreuses sont les femmes musulmanes portant un hijab à rechercher des vêtements respectant les préceptes de l’islam en matière de pudeur. Mais rien, ni dans le Coran ni dans la Sunna, n’exige que cette pudeur s’exprime en noir ou en gris. Pourquoi faudrait-il choisir entre spiritualité et coquetterie ? Cette question, Mustafa Karaduman l’a posée bien avant les autres – et il y a répondu avec une vision entrepreneuriale rare.
Dès les années 80, il imagine une mode qui respecte les codes islamiques tout en faisant écho aux tendances du moment. Foulards colorés, tuniques structurées, ensembles de soirée sophistiqués : l’univers qu’il développe est à la fois fidèle à ses convictions religieuses et profondément ancré dans le désir d’offrir du style et de la variété à ses clientes.
L’histoire de Mustafa Karaduman a tout d’un conte moderne. Né en 1957 à Malatya, dans l’est de la Turquie, il n’a pas poursuivi d’études après l’école primaire. À peine adolescent, il entre dans un atelier de confection comme repasseur. Très vite, son talent est repéré. Il grimpe les échelons un à un : coupeur, modéliste, chef d’atelier… Une ascension éclair, nourrie par la passion du vêtement et une détermination sans faille.
En 1978, il ouvre son propre atelier. En 1982, il inaugure sa première boutique. Pendant une dizaine d’années, l’entreprise grandit de manière artisanale. Ce n’est qu’en 1992 qu’il entame une véritable professionnalisation : il recrute des stylistes, structure son offre, et affirme sa volonté de bâtir une marque qui rayonne à l’international.
En quelques années, Tekbir devient une enseigne incontournable pour les femmes voilées en quête de modernité. À Istanbul, Ankara, Konya, Kayseri, ses magasins se multiplient – notamment dans le quartier emblématique de la mosquée Fatih, bastion du conservatisme religieux. Mais la marque séduit au-delà : même des quartiers comme Kadiköy ou Usküdar, plus éclectiques, accueillent ses boutiques.
Dans les magasins Tekbir, on croise des femmes élégantes, voilées ou non, venues découvrir les dernières collections. Accueillies par des vendeuses souriantes, elles choisissent parmi des foulards chatoyants, des tuniques fluides et des tenues aussi raffinées que conformes aux règles de pudeur. "Il n’y a pas de règle pour la couleur", précise Karaduman, "ce sont les stylistes qui fixent les tendances de demain. Nous nous adaptons à l’air du temps, sans jamais trahir notre ligne directrice".
Outre la qualité des pièces et l’audace des coloris, la politique tarifaire de Tekbir a joué un rôle déterminant dans son succès. Avec des prix nettement inférieurs à ceux des enseignes haut de gamme turques comme Ipek Yol, la marque attire un public large et fidèle. Une chemise pour 6,50 €, une veste à 32 €, une tenue de soirée autour de 140 €… Tekbir rend l’élégance accessible, sans compromis sur le style.
Fait notable : près d’un tiers de sa clientèle est composée de femmes non voilées, séduites par le design et la qualité des modèles. Les écharpes Tekbir, notamment en satin ou en soie, se vendent par milliers chaque mois.
En 2006, Tekbir s’exporte déjà en Europe, notamment en Allemagne, où réside une importante diaspora turque. Mustafa Karaduman rêve plus grand : nouvelle usine, centre commercial dédié, diversification vers le mobilier… Mais l’instabilité économique en Turquie le pousse à temporiser. Prudent mais déterminé, il garde son cap.
Avec une population jeune, stylée et profondément attachée à ses valeurs religieuses, l’Algérie semblait être un terrain idéal pour une expansion de la marque Tekbir. Espérons qu’un jour, les créations audacieuses de Mustafa Karaduman traverseront la Méditerranée. Une chose est sûre : son modèle inspire déjà, bien au-delà des frontières turques.
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