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DE DZIRIYA À DZIRIELLE : LES ARCHIVES

Corinne Chevallier, historienne algérienne du cœur et de plume

Corinne Chevallier n’est pas simplement la fille de Jacques Chevallier, ancien maire d’Alger et figure libérale de l’Algérie des années de feu. Elle est avant tout une femme de lettres, une chercheuse passionnée, et une Algérienne pleinement engagée, dont la vie et l'œuvre s’inscrivent dans une relation viscérale à sa ville natale : Alger.


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Une enfance algéroise marquée par l’Histoire

Née le 5 juillet 1935 à Alger, Corinne Chevallier vit aujourd’hui encore dans la maison mauresque de son enfance, perchée sur les hauteurs de la ville, dessinée par l’architecte Pouillon, ami de la famille. Elle appartient à une lignée de six générations enracinées dans la capitale. Son père, maire d’El Biar pendant la Seconde Guerre mondiale, affrontait les bombardements américains de 1942 pour continuer son travail. "Je garde de ces années quelques souvenirs flous mais puissants", confie-t-elle.

Dans une éducation ouverte et humaniste, elle découvre l’Algérie comme une évidence. « On ne m’a jamais dit que les ancêtres des Algériens étaient les Gaulois. On m’a appris que l’Algérie était mon pays. » Lors des accords d’Évian, Corinne opte naturellement pour la nationalité algérienne. "Je ne voulais pas être étrangère chez moi. Je ne me vois pas vivre ailleurs."

Historienne et romancière, Corinne Chevallier s’est imposée avec le temps comme une voix singulière. Derrière son allure réservée se cache une passion opiniâtre pour l’Histoire algérienne. Sa démarche ? Réhabiliter un passé souvent méconnu ou falsifié. « Les troupes françaises ont voulu faire croire qu’elles n’avaient pas trouvé de nation en 1830. C’est faux. »

Elle commence par publier en 1986 Les Trente premières années de l’État d’Alger (1510-1541), fruit d’une recherche autodidacte. Dans ce livre, elle met en lumière une organisation politique algérienne préexistante à la colonisation. « Je voulais écrire le livre que je n’avais pas trouvé », dit-elle avec une humilité touchante.

Corinne Chevallier explore aussi la Méditerranée comme espace culturel universel. Pour elle, Alger est bien plus qu’une ville : c’est un symbole vivant. « La Casbah est le cœur battant d’Alger. La façon dont elle est abandonnée aujourd’hui me brise le cœur. »

La figure de son père, Jacques Chevallier, traverse tous ses récits comme une ombre bienveillante. Corinne lui voue une admiration infinie. Elle raconte, avec une certaine amertume, l’humiliation subie par son père lorsqu’il ne fut pas convié à la réception officielle de de Gaulle à Alger, alors qu’il était encore maire. « Mgr Duval est le seul qui ait quitté la salle pour venir le soutenir. »

Ce lien filial, nourri de valeurs et de mémoire, l’a poussée à écrire : « Les livres, je les ai écrits pour lui. » Elle se souvient aussi des promenades avec son père dans la Casbah, qui lui racontait l’histoire de Charles Quint et des Ottomans, et semait les graines de ce qui deviendrait une vocation d’historienne.

Un engagement littéraire au service de l’Algérie

En 2001, elle publie La Petite Fille du Tassili, et plus récemment, La Nuit du Corsaire, roman historique situé dans l’Alger du XVIe siècle, fruit de quinze années de recherches. Elle y invente un personnage, Djabber, corsaire algérois formé par Barberousse. « J’ai voulu montrer que des Algériens ont été acteurs de leur histoire, sans toujours passer par la médiation turque. »

Sa démarche est claire : « Mon livre est une réappropriation du passé. Il faut éclairer l’avenir avec la vérité des faits. C’est une fierté de recevoir des messages de lecteurs qui me disent : "Grâce à votre livre, j’ai trouvé un mur sur lequel m’adosser." »

Corinne Chevallier est mère de six enfants. Sa fille, Wassila-Eloïse, professeure d'art islamique à la Sorbonne, incarne cette transmission entre racines et universalité. « Elle a appris l’arabe avant le français. »

Lorsqu’on l’interroge sur l’histoire contemporaine, elle confie avec pudeur : « Je n’aime pas beaucoup l’époque où l’on vit. Elle a été marquée par la guerre, le terrorisme, la douleur. Peut-être qu’un jour, j’écrirai sur cette période pour transmettre aux générations futures. »

Une voix essentielle pour l’Algérie

Corinne Chevallier incarne une mémoire vivante. Par ses recherches, ses engagements et sa plume, elle offre aux Algériens les clés d’une histoire méditerranéenne oubliée. Dans un pays où l’on a longtemps occulté le passé, elle ouvre une fenêtre, lumineuse et sincère, sur une Algérie fière de ses racines et de sa complexité.












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