
mouniralove · 1 avril 2011 à 07:16
qUe pensez de cette histoire??
Parce que le voile intrigue, étonne ou choque, Hijab and the city a donné la parole à quatre jeunes femmes qui le portent, veulent le porter ou l'ont porté. Toutes n'ont pas les mêmes motivations, et toutes ont souhaité partager leur histoire afin d'offrir leur vision. A travers ces témoignages, ce sont les voix de ces femmes que nous souhaitons mettre en avant, car au-delà du voile qui leur couvre les cheveux, au-delà de leurs convictions, ces jeunes filles sont avant tout des personnes animées par la volonté de réussir. Ce qu'elles veulent par dessus tout, c'est de mettre fin à l'incompréhension et au dédain que l'on témoigne bien souvent à leur égard. Et c'est aussi, et surtout, les prendre pour ce qu'elles sont : des jeunes femmes ordinaires et non des voiles sur pattes. Nous vous proposons de découvrir chaque semaine le témoignage d'une de ces jeunes femmes. Elles parlent d'elles, c'est sur Hijab and the city, et c'est exclusif.
Cette semaine, Marie, une jeune étudiante belge, revient sur son histoire. Elle a porté le voile un temps et a finalement décidé de le retirer, par crainte de nuire à sa spiritualité.
Peux tu te présenter aux lectrices ?
J'ai 22 ans, je suis étudiante, bientôt à la fin de mes études. J'ai choisi de devenir musulmane il y a bientôt 8 ans. Je m'étais déjà intéressée à l'Islam avant, mais j'ai eu mon « déclic » un jour en voyant une amie faire sa prière : elle était resplendissante et c'est ce qui m'a marquée. Sans réfléchir, je lui ai dit « Apprends-moi l'islam », et ça a été comme le coup de foudre pour moi. J'ai prononcé la shahada (l'attestation de foi) quelques temps plus tard, en décembre 2001.
Quand à tu décidé de porter le hijab ?
L'envie de porter le voile a commencé à venir doucement après ma conversion. J'aimais le mettre pour la prière, le garder après dans ma chambre, je me sentais apaisée avec. J'avais des périodes où j'avais très envie de le porter, d'autres où je disais plutôt qu'il n'était pas obligatoire, mais de toute façon je n'envisageais encore rien sérieusement, puisque j'étais encore élève en secondaire (et on ne pouvait pas le porter dans mon école) et que je ne pouvais pas non plus envisager de le porter chez mes parents.
Puis est venu l'été 2004, la fin de mes études secondaires et en septembre, j'allais entrer à l'université. J'avais de plus en plus envie de le porter, c'était en moi, j'y pensais beaucoup. J'étais en colère contre ma famille de ne pas accepter mes convictions, de ne pas m'offrir la possibilité de pratiquer ouvertement, comme je le souhaitais, et je pensais au foulard, peut-être comme une sorte de vengeance. A la fin de l'été, j'ai commencé à le mettre de plus en plus souvent quand je sortais en ville, surtout les quelques jours précédent ma rentrée à l'université, mais je n'avais pas encore décidé de le porter. J'étais heureuse d'être vue et reconnue comme musulmane dans la rue. Je me sentais bien ainsi, j'avais l'impression d'être enfin moi-même. Puis est arrivé le premier jour à l'université. J'avais pris l'habitude d'être couverte, et ce jour-là je portais une casquette pour la rentrée. Je me sentais mal avec, impolie de garder une casquette ainsi à l'intérieur, et en même temps je n'arrivais pas à me résoudre à me découvrir la tête. En sortant, dans la bouche de métro, j'ai mis mon foulard. Ce n'était pas prévu, pas réfléchi, c'était très intense sur le plan émotionnel. Mais j'ai décidé à ce moment là que le lendemain, je reviendrai avec suivre mes cours.
Avant de le mettre, j'y pensais, mais sans jamais l'avoir décidé. Je me disais qu'avant de le porter, il faudrait que j'en discute de manière approfondie avec des gens qui sont pour et des gens qui sont contre, des musulmans convaincus de son obligation, et des musulmans qui sont convaincus au contraire qu'il n'est pas obligatoire (voir même qui sont « contre » le foulard) afin de me forger une opinion solide et d'être sûre de mes idées au moment où je le porterais. Finalement, je l'ai mis assez rapidement, sans avoir pris le temps de faire cette démarche, guidée par mon ressenti.
Qu'est ce qui t'a motivé à le porter finalement ?
L'envie de mieux vivre ma religion, d'être plus musulmane, de montrer au monde celle que j'étais intérieurement depuis presque 3 ans… L'envie de plaire à Dieu, de me conformer à un modèle, à une certaine image que j'avais de la musulmane croyante et pratiquante qui cherche à se rapprocher de Lui.
Qu'en a pensé ton entourage ?
Cela s'est très bien passé avec mon entourage amical et à l'université. Mes vrais amis non musulmans ne l'ont pas mal pris, et je me suis plus facilement faites de nouvelles amies musulmanes une fois que je le portais. Je n'ai jamais ressenti le foulard comme un frein dans mes relations sociales à l'université. Il me permettait simplement de faire un tri direct entre les gens bien, ouverts d'esprit, et les autres.
Je n'ai jamais non plus eu l'impression d'être discriminée par les profs ou le personnel de l'université, bien au contraire. Je n'ai jamais eu de problème à trouver des jobs d'étudiant avec.
Avec ma famille, ça a été plus difficile. Je ne leur ai pas dis tout de suite que je le portais. Je ne le leur ai annoncé que quelques mois plus tard. Mes parents ont tous les deux très mal réagis, mon père en a pleuré et m'a dit qu'avec ça, il ne pourrait plus jamais être heureux de me voir. Le reste de ma famille, oncles et tantes, a mieux réagi, ou du moins de façon moins passionnelle. Ceci dit, suite à ça je ne l'ai jamais vraiment assumé face à ma famille. Je continuais à l'enlever avant de rentrer chez moi, dans mon quartier, lors de sorties avec des membres de ma famille, en vacances avec eux : je mettais alors une casquette dans laquelle je rentrais tous mes cheveux, et un col roulé ou une écharpe.
Pourquoi as tu décidé de le retirer ? Est ce à cause du regard des autres ?
Bon, là on commence à arriver aux questions plus difficiles… C'est dur à exprimer, dur à structurer. J'ai commencé tout doucement à rentrer dans une remise en question assez générale, sur ma foi et ma pratique religieuse, et notamment le port du voile. Je dirais que j'ai commencé à me poser des questions, par périodes, un an après l'avoir porté. Je n'avais pas la force de conviction de l'assumer auprès de mes proches, et je commençais à me sentir un peu schizophrène, j'avais l'impression de ne pas arriver à concilier ces deux « parties » de moi, ces deux référents culturels, ensembles de valeurs dont j'étais porteuse : mon islamité et mon occidentalité, si je puis m'exprimer ainsi. En gros, c'était une crise identitaire.
J'ai commencé petit à petit à m'éloigner de cette communauté musulmane dans laquelle je ne me sentais pas bien, dans laquelle je ne trouvais pas ma place. Je n'arrivais plus à me recueillir et me sentir bien dans les mosquées où différentes choses me dérangeaient de plus en plus (la ségrégation des femmes, l'irrespect de celles-ci du recueillement des autres par les bavardages, le « harcèlement » de certaines : »ma soeur, faut pas faire ci, faut pas faire ça, c'est shirk (association), c'est bid'a (innovation) », etc.… J'étais de plus en plus agacée par certains comportements. Et en tant que musulmane occidentale, je n'arrivais plus à me situer dans une communauté dont j'avais l'impression qu'elle ne pouvait pas accepter justement cette composante occidentale, européenne de mon identité. J'entendais trop de discours sur l'occident comme étant opposé à l'islam, sur les belges, les européens, comme étant l'opposé des musulmans (alors que je suis belge, européenne ET musulmane, et que pour moi ces deux identités se complètent et ne s'opposent pas, et que je suis loin d'être la seule grâce à Dieu.
Puis ces questions ont commencé à se faire de plus en plus présentes et pesantes. Je commençais à me sentir mal avec mon voile dans la rue, je ne l'assumais plus. D'une certaine façon, c'est aussi lié au contexte, dans le sens où je pense que porter le voile dans nos sociétés n'est pas anodin et nécessite un certain engagement. Engagement dont je n'étais plus capable. Je ne me reconnaissais plus dans l'image que je renvoyais en tant que « voilée », j'avais l'impression de communiquer quelque chose qui ne me correspondait pas, tant vis-à-vis des musulmans pour qui une convertie voilée, ça donne « Waw machaAllah tu es convertie et tu porte le voile, tu iras au Paradis ma soeur! » que des non musulmans. L'impression que ça ne me permettait pas de concilier les différentes facettes de ma personnalité, et de n'être pas en accord réellement avec la façon dont je vivais les choses. J'avais l'impression que porter le voile me mettait dans un moule dans lequel je ne me sentais pas bien, qui ne me correspondait pas, et j'étouffais. Et ça devenait pesant pour ma foi et nuisait à ma spiritualité dans son ensemble. Il m'est arrivé même d'annuler certaines activités car je ne voulais pas sortir avec mon voile, je me sentait trop mal avec.
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