
lecteur · 24 décembre 2014 à 09:05
Mme Pheach est née dans une famille pauvre. Elle a 39 ans et elle a 7 frères et sœurs. Elle est la 3e enfant de la famille. Elle a grandi dans un village rural .
«Mes parents sont tous les deux agriculteurs. Quand j’étais adolescente, j’étais bonne dans mes études. Malheureusement mes parents ne pouvaient pas se permettre de me soutenir. J’ai abandonné l’école en 7e année. Ensuite, je suis devenue agricultrice afin d’aider mes parents dans la rizière. Ma sœur aînée était toujours malade et elle ne pouvait guère travailler et comme mon frère aîné était soldat, je suis devenue la ressource principale de la famille. Je devais faire toutes sortes de travaux d’homme comme le labour, le hersage, construire des toits en chaume, poser du carrelage, etc.
Je me suis mariée quand j’avais 18 ans avec un homme illettré qui était militaire. Comme mes parents devaient nourrir 6 de leurs 7 enfants, j’ai dû aller vivre avec mon mari dans son village situé à 4 heures en vélo dans une petite maison toute cassée. Nous nous contentions de vivre « des mains à la bouche ». La plupart du temps, j’empruntais du riz non cuit des voisins villageois, que nous mangions avec du sel ou de la saucisse de poisson.
Je n’avais qu’une petite terre pour cultiver le riz.
Ma vie était devenue trop difficile à vivre là-bas, j’ai alors décidé de demander l’aide de ma mère après la naissance de ma fille que j’ai appelée Leakhena. Comme je n’avais pas trouvé de vélo à emprunter à mes voisins, je devais marcher du matin jusqu’autour de 15 heures avec ma fille dans les bras. Mon mari et moi avons après cela habité temporairement avec mes parents. Nous vivions avec eux mais nous mangions séparément.
Les mois passèrent et la vie devint de plus en plus difficile. Mon mari décida enfin de chercher un autre travail dans la province de Koh comme ouvrier du bâtiment tandis que j’étais déjà enceinte de 6 mois. À partir de ce moment, il m’a laissé seule avec notre fille. Je n’ai eu de ses nouvelles qu’un mois après la naissance de notre deuxième fille que j’ai appelée Pisey. Un de ses amis m’annonça alors le décès de mon mari suite à une très sévère malaria. J’ai tellement pleuré prenant en pitié mes deux petites filles devenues orphelines. Pour payer les obsèques de mon mari, j’ai dû vendre le petit terrain que m’avaient offert mes parents. Après le décès de mon mari, ma maman me demandait parfois si je consentirais à avoir un autre homme dans ma vie pour m’aider à prendre soin de mes enfants. Je refusais toujours cette proposition pensant qu’un beau-père ne soit jamais vraiment bon pour les enfants de sa nouvelle femme.
Ma vie est devenue désespérée, la mort de mon mari me laissant plus de responsabilités à assumer seule. Je gagnais de l’argent pour survivre seulement une demie ou au maximum une journée. Pendant la saison des pluies, je travaillais chez des villageois afin de gagner de petites sommes d’argent au quotidien. Je devais laisser la garde de mes jeunes filles à ma vieille maman.
Étant une mère qui avait abandonné l’école, je m’étais promis que je sacrifierais ma vie, mon cœur et mon âme aussi fort que je pourrais pour éviter à mes filles d’ arrêter d’aller à l’école.
Quand mes filles furent d’âge scolaire, je les ai envoyées à l’école et mes dépenses sont devenues inabordables. Je les ai donc confiées à ma maman et je suis allé à Phnom Penh travailler dur dans une usine avec ma petite soeur. Après un an comme travailleuse d’usine, j’ai réalisé que mon salaire parvenait à peine à me loger et à me nourrir. Je suis donc revenue dans mon village.
Dans mon temps libre, hors de mon travail de fermière, à l’école primaire de mes enfants, je dirigeais une petite entreprise scolaire, qui vendait des gâteaux frits aux petites crevettes, des confiseries, des bananes frites et des tomates rôties. Cela me permettait de gagner de l’argent pour payer les livres, les uniformes, les stylos et autre matériel.
En dehors de leur travail scolaire, mes enfants m’aidaient à vendre mes produits à l’école, à cueillir les fruits du tamarinier et à vendre des plantes ménagères au marché pour que nous ayons de l’argent pour acheter le stricte nécessaire et de la nourriture chaque jour. Pendant leurs vacances j’ai fait de petits gâteaux frits quelles sont allées vendre de porte à porte ainsi qu’aux boutiques du marché.
Le soir, je devenais professeur et on passait en revue les leçons. Elles ont vraiment aimé apprendre tant à la maison qu’à l’école. Mes filles et moi nous voulions vivre comme cela jusqu’à ce qu’elles aient terminé leur école primaire.
Contrairement à avant, à l’école secondaire, elles étudiaient le matin et l’après-midi de sorte qu’elles avaient moins de temps pour m’aider. Comme elles avaient grandi et qu’elles étudiaient davantage, la charge était devenue très lourde à porter pour moi. Parfois, elles furent sur le point d’abandonner leurs études. Elles n’avaient pas de vélo pour aller à l’école ; elles devaient marcher 30 minutes pour s’y rendre chaque fois tandis que d’autres étudiants s’y rendaient en vélos ou à motos. Je voulais avoir un vieux vélo pour elles. J’ai donc emprunté de l’argent de mes voisins pour en acheter un. Jours après jours, j’essayais d’économiser autant que je le pouvais. En général, je ne mangeais que des crabes , des coquillages et de petits poissons que je pouvais trouver par moi-même sur le champ de riz et des légumes cultivés autour de la maison parce que je n’avais pas d’argent pour en acheter au marché.