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Djilali Hadjadj, le visage de la lutte anti-corruption en Algérie

Posté par Sherryfa · 8 réponses · 1.4k vues

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Sherryfa · 25 novembre 2013 à 09:36

« Je me sens un peu l’otage d’une dynamique balbutiante. Elle est dispersée, éclatée et embryonnaire, teintée de désespérance mais elle existe ». C’est ainsi que Djilali Hadjadj parle de son obstination à continuer son combat contre la corruption, qui gangrène le pays, malgré ses nombreuses désillusions.
Actuellement porte-parole de l’Association algérienne de lutte contre la corruption (AACC), il s’est investi dans cette lutte depuis plusieurs années. D’abord en tant que journaliste au début des années 1990, avec Le Matin et El Watan. Il venait de quitter Sonatrach, en 1993 où il travaillait en tant que médecin. « C’est vrai que quand vous êtes médecin dans la compagnie, on vous offre les conditions idéales mais je ne voulais plus m’occuper de l’allergie aux langoustes de la femme du vice PDG », ironise-t-il, un grand sourire aux lèvres.
Premières poursuites judiciaires
Djilali Hadjadj s’intéresse d’abord aux dysfonctionnements dans le secteur de la santé, du marché des médicaments, celui des vaccins et des appareils médicaux. « La mafia du médicament m’effrayait mais je pensais qu’elle existait uniquement dans certains pays européens et je la découvre chez nous », raconte-t-il.
En 1995, il publie une enquête sur le marché des vaccins. « J’ai découvert des horreurs : on achetait des vaccins aux prix forts. Non seulement, ils se remplissaient les poches mais ils achetaient des produits qui n’étaient pas du tout conformes. Cela voulait dire que 800 000 nouveau-nés se retrouvaient sans couverture vaccinale et ainsi exposés aux maladies les plus effroyables », explique-t-il. Ses enquêtes lui valent des poursuites judiciaires qui ont duré plusieurs années. Mais pas seulement…
Harcèlement, intimidations et menaces de mort
Enquêter dans l’Algérie des années 1990, pendant la décennie noire du terrorisme, exposait le journaliste à toutes sortes de dangers. « Les gens étaient vraiment vaches ! Et il y a eu une période très difficile pour moi et pour les miens », se souvient Djilali Hadjadj. Au milieu des années 1990, des agents de la police se sont rendus à l’établissement scolaire où enseignait sa femme et ont demandé son dossier. Ils se sont déplacés également au lycée Amara Rachid pour chercher le dossier de sa fille.
En 1996, la brigade antiterroriste de la police s’est rendue à son domicile vers 22 heures. Motif ? Chercher son fils, âgé alors de 14 ans, pour une affaire de soutien au terrorisme. « Ça faisait partie des intimidations et des menaces. Ma femme a été virée de l’Éducation nationale début des années 2000 », explique-t-il. Quand il déposa plainte contre X après avoir reçu des menaces de mort, la réponse de la police était intrigante : « Non, on vous connaît, ça n’a rien à avoir avec le terrorisme ». Avec le temps, ce père de trois enfants se dit : « On n’a pas le droit d’avoir une famille quand on mène un combat pareil ».
Fin de sa collaboration avec El Watan
La vie n’a pas été toujours facile pour Djilali Hadjadj. Mais ça n’a pas altéré sa détermination. Bien au contraire. En mars 1999, il publia "Corruption et démocratie en Algérie" (réédité en 2001). Un livre où il évoque les mécanismes de la corruption "à l’algérienne" depuis l’indépendance avec le " trésor du FLN" jusqu’à la fin des années 1990. « Il a été édité en France parce que personne n’a voulu l’éditer ici », dit-il. Le groupe Hachette a pu commercialiser la deuxième édition en Algérie. « J’avais fait des séances de vente-dédicace dans des librairies. Et j’avais l’impression que quelqu’un pouvait rentrer pour me tirer dessus. C’était le cauchemar de ma vie », avoue-t-il.
Après la sortie du livre et une série d’interviews, la direction d’El Watan mit fin à la collaboration avec Djilali Hadjadj (en novembre 1999). Il dit se poser toujours la question sur les raisons ayant motivé une telle décision, même s’il apporte une certaine réponse dans la deuxième édition de "Corruption et démocratie". « Ça a été en tout cas une blessure terrible sur le plan professionnel, au moment où je ne m’y attendais pas », assure-t-il. rnMais « ce qui ne tue pas, rend plus fort ». Cette phrase culte de Nietzsche dans "Le crépuscule des idoles" peut s’appliquer parfaitement au parcours, semé d’embûches, de ce militant anti-corruption. Il intègre alors Le Soir d’Algérie où il anime depuis plus de dix ans deux pages hebdomadaires, l’une consacrée aux retraités, et l’autre à la corruption en Algérie et dans le monde.

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Sherryfa· Posté le 25 Nov 2013 à 09:37

suite de l’article:

Création de l’association : de la séduction aux avertissements amicaux…

Parallèlement à ses écrits et enquêtes, Djilali Hadjadj crée l’AACC fin 1999. « Il y avait d’abord une période de séduction du pouvoir. Un deal nous a été proposé et que nous avons rejeté : l’intégration de personnes qu’ils nous proposaient dans la direction de l’organisation ». Dans les premiers temps, les fondateurs de l’AACC trouvaient de grandes difficultés à se réunir « sans qu’il y ait une armada de policiers dans les parages ». « On se rencontrait parfois chez l’un des membres de l’association. Elle était locataire et le propriétaire de la maison lui a dit : je pense que je vais rompre le bail si vous continuez à recevoir (des gens) ». Certains membres fondateurs ont fait objet d’enquête des services de sécurité, d’autres ont carrément eu droit à des menaces, selon lui.

L’AACC a alors opté pour un autre mode de fonctionnement. « On s’en fout du statut type maintenant. On n’a jamais eu d’agrément officiel ». Le siège de l’association à Ben Aknoun a été quand même cambriolé à deux ou trois reprises, selon lui.

Arrestation à Constantine en 2010

En 2010, le porte-parole de l’AACC est arrêté à l’aéroport de Constantine et détenu pendant cinq jours à la prison de Serkadji. Il est accusé de faux et usage de faux après avoir prescrit à sa femme des traitements, en utilisant un document de l’établissement qui n’existe plus et où il avait déjà travaillé. « Il y avait mon nom et mon tampon. La sécurité sociale a accepté le document. On peut considérer que j’ai fait une faute professionnelle même s’il n’est pas interdit de soigner sa femme », explique-t-il.

Mais « ce qui est dégueulasse, c’est qu’il y a eu une affaire en justice sur la base d’une dénonciation anonyme, puis une instruction sans que je ne sois convoqué. Il y a eu un procès, une condamnation puis un mandat d’arrêt, sans que je ne sois informé », poursuit-il. Cette arrestation est intervenue après la sortie du livre "Notre ami Bouteflika "dont il est l’un des auteurs avec notamment Mohamed Benchicou, rappelle-t-il.

Son association suit depuis plus de dix ans les grandes affaires de corruption dont celles de Khalifa Bank et de la Sonatrach, quand elle ne dévoile pas d’autres dossiers comme l’affaire de l’agent de la protection civile (lire sur TSA). M. Hadjadj travaille actuellement sur une troisième version de "Corruption et démocratie" où il compte aborder la période allant de 2002 à 2013. « Il y a un rapport de proportionnalité entre les prix du pétrole et la corruption dans des pays comme le nôtre », explique-t-il. « Ce n’est pas propre à l’ère Bouteflika (NDLR). Il y avait un système prédateur en place, on va dire que le clan de Bouteflika et consorts l’ont amplifié », ajoute-t-il.

La soixantaine bien entamée, Djilali Hadjadj poursuit donc son combat avec la même conviction et le même acharnement. « Si tout ce que nous avons fait et les dossiers que nous avons traités dans l’association au cours des années 2000, l’ont été dans les années 1990, je crois qu’ils m’auraient liquidé. A l’époque, il n’y avait pas beaucoup d’argent », estime-t-il. Sa force, il la tire surtout des siens. « Les miens ont toujours été à mes côtés et ont toujours été très fiers de mon combat ».

Source: http://www.tsa-algerie.com/actualite/item/2881-portrait-djilali-hadjadj-le-visage-de-lutte-anti-corruption-en-algerie

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nadhia· Posté le 26 Nov 2013 à 08:17

Très interessant l’article, ça donne envie de pousser un peu plus afin d’en découvrir davantage.
Merci pour le partage Sherry, d’autant plus que je ne connaissais pas le personnage…

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Nadia13· Posté le 26 Nov 2013 à 09:09

et beh c’est bon a savoir tout ça

Merci Sherry

😊

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chahrazadz1955· Posté le 26 Nov 2013 à 19:14

Je connais en personne Mr. Hadjadj et sa famille. Un homme intègre et digne fils des Aurès (Khenchela).

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Sherryfa· Posté le 27 Nov 2013 à 10:48

je ne connaissais pas le personnage non plus, c’est d’ailleurs triste que ce genre de personnes ne soient pas plus soutenu que ça!!

mais ce qui est pire, c’est qu’ils soient persécutés avec leurs familles et que leur vie et liberté soit mise en danger…

on se rend compte qu’en Algérie, il faut suivre le troupeau pour vivre en sécurité, si l’on s’aventure à vouloir s’affirmer dans le justice et l’humanise on se fait flageller…

seul recommendations, pourquoi pas 4 après 3… tant que ça marche pour eux, nous restons à l’abri?

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SemmSoum· Posté le 27 Nov 2013 à 13:44

Merci Sherryfa pour le partage. Je ne connaissais pas du tout. J’ai vu que l’association avait une page facebook, j’irai faire un tour.

Tu as raison, le problème en Algérie, c’est que tu peux créer des associations etc, mais quand tu commences à parler ou revendiquer, il y a vite intimidation!! Donc ca devient vite très dure de militer.

Je n’ai pas compris ta dernière phrase?? :" seul recommendations, pourquoi pas 4 après 3… tant que ça marche pour eux, nous restons à l’abri?"

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Sherryfa· Posté le 27 Nov 2013 à 13:53

lol el 3ahda arabi3a!! 4ème mandat….

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SemmSoum· Posté le 27 Nov 2013 à 13:57

Ahhhhhhhhhhh ok! Je viens de comprendre lol! Oui il y a des rumeurs qui parlent d’un 4ème .

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