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Architecture populaire

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mouna07 · 26 mai 2007 à 13:19

Architecture populaire
rnpar M. A. Djeradi: Enseignant Centre Universitaire De Béchar
L'environnement bâti de l'homme n'avait jamais été et n'est toujours pas commandé par les spécialistes (architectes, urbanistes, etc.). Cet environnement était le résultat d'une architecture populaire, et cela l'histoire et la théorie de l'architecture l'avaient ignoré en grande partie. Pourtant, tel était l'environnement d'Athènes à son apogée, celui des cités mayas et des cités proches des tombes et des temples.
La tradition populaire est la traduction directe et non consciente d'une culture sous la forme matérielle de ses besoins, valeurs, désirs, rêves et passions. C'est l'entourage idéal d'un peuple qui s'exprime dans les constructions et dans l'habitat. La tradition populaire a des liens beaucoup plus étroits avec la culture de masse et avec la vie quotidienne. Elle constitue la majeure partie de l'environnement bâti. Le charme et la vitalité des formes traditionnelles, face à la fadeur, à l'ennui et à la monotonie des nouvelles formes dessinées par les architectes, sont dus à bien plus qu'au simple charme du pittoresque. L'unité du plan, du site et des matériaux dans les cités anciennes engendre une réaction enthousiaste même chez la plupart des spécialistes. Cette réaction est en grande partie suscitée par l'harmonie du paysage. Un sentiment d'intimité est créé par une série de murs qui non seulement ferment l'espace, mais lient les maisons les unes aux autres et les relient au paysage.
Dans les nouveaux établissements, la grille détruit la sensation d'intimité et le lien avec la terre. Les nouveaux éléments visuels n'expriment plus la relation de l'individu au groupe, ni du groupe à la terre, comme le fait le cadre de vie plus large dans le schéma traditionnel. Le nouveau schéma fait que l'individu se sent insignifiant. L'unité du groupe est détruite et il n'y a pas de relation claire entre l'homme et son entourage à travers des éléments dont l'échelle est croissante et la démarcation des domaines en harmonie avec la terre environnante.
La hiérarchie très nette des agglomérations primitives et vernaculaires est perdue, reflet de la disparition générale des hiérarchies dans la société, et tous les bâtiments tendent à avoir une importance égale. La désacralisation de la nature a abouti à la déshumanisation de nos relations avec la terre et le site. L'homme moderne a perdu l'orientation mythologique et cosmologique qui était si importante pour l'homme primitif, ou bien il a substitué aux anciennes de nouvelles mythologies. Il a aussi perdu l'image collective de la bonne vie et de ses valeurs, à moins de dire qu'il possède l'image collective de l'absence d'image. Les forces et les contraintes sont aussi bien plus complexes, et les liens entre la forme, la culture et le comportement sont plus ténus ou peut-être simplement plus difficiles à suivre et à établir.
Si nous reconnaissons que les fonctions utilitaires de la maison ne sont pas primordiales et si nous comprenons en même temps que même ces fonctions peuvent être mieux satisfaites par l'habitation traditionnelle que par la nouvelle habitation dans de nombreuses régions, notre attitude envers le logement traditionnel changera.
Notre époque est une époque de contraintes matérielles réduites. Nous pouvons faire bien plus de choses qu'autrefois, et les « contraintes » sont plus faibles que jamais. Il en résulte le problème du choix excessif, la difficulté de sélectionner ou de trouver des contraintes qui s'élevaient naturellement dans le passé et qui sont nécessaires pour créer des formes de maisons significatives.
Cette grande liberté de choix et le fait que la forme de la maison puisse maintenant entrer dans le domaine de la mode et tout ce que ceci implique pour la compréhension de la forme de la maison aussi bien que pour le choix de cette forme. Pourtant, nous agissons comme si la « contrainte » était forte et comme si une adaptation étroite à la « fonction » immédiate était essentielle.
En observant de très nombreux exemples de l'architecture populaire, nous tentons de dégager les éléments qui contribuent à la forme bâtie. En nuançant certaines théories trop simplistes concernant l'influence du climat ou des matériaux de construction, nous montrons que ces conditions ne sont pas déterminantes, c'est-à-dire qu'il peut y avoir plusieurs solutions à une même contrainte climatique, ou à la contrainte du matériau unique de construction. Certains facteurs religieux ou culturels peuvent même engendrer des solutions «irrationnelles» du point de vue du climat.
La production des formes architecturales obéit à un processus long et complexe qui aboutit à une modélisation physique. Le modèle produit est imprégné par différents aspects qui agissent individuellement ou collectivement sur l'objet produit (aspect technique, économique, climatique, sociologique et religieux). Chaque aspect se manifeste par des éléments physiques particuliers qui structurent l'organisation spatiale et créent la forme ou les formes de la maison, du quartier, voire de la ville.
Dans son livre «Pour une anthropologie de la maison», Amos Rapoport montre que les explications à partir du climat, des matériaux, de la technologie, du site, de l'économie restent insuffisantes pour expliquer la forme. D'autres paramètres plus complexes d'ordre culturel, moral et spirituel interviennent d'une manière moins évidente certes, mais bien certaine. Le modèle lui-même est le résultat de la collaboration de nombreux individus pendant plusieurs générations, aussi bien que de la collaboration existant entre ceux qui font et ceux qui utilisent les habitations et les autres objets façonnés: et c'est ce qu'on entend par le terme de traditionnel.
Comme tout le monde connaît le modèle, on n'a pas besoin de dessinateurs ou d'architectes. Une habitation doit ressembler à toutes les habitations bien construites dans une aire connue. La construction est simple, nette et facile à comprendre, dont les règles et les exigences sont connues. Les dimensions, le tracé, la place dans le site et d'autres variables peuvent être fixés par une discussion et, si nécessaire, mises par écrit. La qualité esthétique n'est pas créée spécialement pour chaque habitation, elle est traditionnelle et transmise de génération en génération. La tradition a force de loi et tous la respectent d'un commun accord. Elle est acceptée et suivie, car du respect de la tradition émane une autorité collective qui sert de discipline. De l'existence de cette façon de voir et de concevoir naissent un modèle accepté et hiérarchisé et une conception de vie commune. L'arc, le cercle, le carré et le dôme ne sont pas de simples formes géométriques produites par les contraintes technologiques, mais des «imago mundi» qui sont présentes dans l'architecture populaire. De prime abord, notre réflexion s'inscrit dans une «architecture» libérée de ces réflexes stéréotypés qui, par excès de «rationalité», l'ont rendue entièrement instrumentale. Il ne semble pas y avoir d'immobilisme dans la forme des maisons traditionnelles à travers les époques. Nous relevons plutôt un changement continu sous une homogénéité apparente. Ces formes témoignent d'habitudes architecturales et du génie local qui expriment et perpétuent différentes mentalités propres et originales en dépit de l'empreinte profonde de «l'uniformisation» induite par la «modernisation et la globalisation». Il nous paraît pertinent aujourd'hui de cesser de ne voir dans l'architecture populaire qu'une «architecture de spontanéité», sans règle ni modèle. Un autre regard s'impose par lequel «tradition» ne rime pas forcement avec «archaïque» ou «arriéré». Ces établissements humains que nous voyons comme le produit d'une spontanéité se révèlent être, en fait, le produit d'une planification rigoureuse et autrement plus complexe que la planification actuelle, en ce sens où elle a pris en compte non seulement le rationnel, mais encore et surtout l'irrationnel.

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