Manucure russe : pourquoi cette tendance ultra-précise inquiète les dermatologues

Contrairement aux manucures classiques qui se limitent à repousser ou à couper délicatement les cuticules, la manucure russe utilise une ponceuse électrique équipée de plusieurs embouts pour retirer intégralement les cuticules autour de l’ongle. Résultat : une pose de vernis très nette, sans débordement, qui semble sortir tout droit d’un shooting beauté. Mais ce travail "à nu" de la matrice de l’ongle n’est pas sans conséquences.

Pourquoi la manucure russe séduit-elle autant ?

Dans un monde où l’esthétique minimaliste et soignée règne en maître, la manucure russe s’impose comme le rituel ultime de la précision. Cette technique séduit par son rendu impeccable : en éliminant chaque résidu de cuticule à l’aide d’une ponceuse électrique, elle dévoile un contour d’ongle net, presque graphique. Résultat ? Une illusion d’ongle allongé, une base lisse et propre qui sublime la pose de vernis, tout en garantissant une tenue prolongée jusqu’à quatre semaines. C’est l’arme secrète des adeptes du style « clean girl », qui veulent conjuguer élégance et durabilité sans concession.

Les dangers pour la santé des ongles

Si la manucure russe séduit par son rendu net et impeccable, elle soulève de nombreuses inquiétudes côté santé, en particulier lorsqu’elle est mal pratiquée. L’un des principaux points de vigilance concerne le repli proximal, aussi appelé repli sus-unguéal. Il s’agit de la fine bande de peau située à la base de l’ongle, qui recouvre la matrice — cette zone vivante responsable de la production de la kératine. Ce repli joue un rôle de bouclier naturel en protégeant l’ongle des agressions extérieures. Lorsqu’il est abrasé ou poncé à la ponceuse, comme dans certaines manucures russes mal exécutées, on affaiblit dangereusement cette barrière protectrice.

Les conséquences peuvent être multiples : inflammations chroniques, douleurs, infections bactériennes ou fongiques, voire déformations durables de l’ongle. Une matrice endommagée ne produit plus correctement la kératine, ce qui peut entraîner une pousse irrégulière, des ongles cassants, striés ou déformés. De plus, l’élimination complète des cuticules — qui forment également une barrière protectrice — facilite l’entrée des microbes. Résultat : des risques accrus de mycoses, abcès ou paronychies.

À cela s’ajoute un risque allergique non négligeable. Certaines clientes développent des eczémas de contact ou des réactions cutanées suite à l’exposition répétée à des produits comme les colles, gels ou bases, surtout lorsque la peau est fragilisée par un limage trop agressif. Tous ces risques soulignent l’importance de confier ses mains à une professionnelle formée, respectueuse de l’anatomie de l’ongle, et d’éviter toute manipulation excessive ou systématique.

La beauté ne devrait jamais compromettre la santé. Vos ongles ne sont pas qu’une surface à vernir, ce sont des structures vivantes à préserver.

À l’heure actuelle, la manucure russe n’est pas encadrée par une formation diplômante obligatoire. Elle est souvent pratiquée par des prothésistes ongulaires autodidactes, parfois sans connaissance en hygiène ou anatomie de l’ongle. De nombreux dermatologues, partout dans le monde, tirent la sonnette d’alarme.

Témoignages et cas réels

Sur les réseaux sociaux, plusieurs femmes racontent leur mésaventure : ongles abîmés pendant des mois, douleurs persistantes, cicatrices irréversibles. "Je ne pouvais plus rien faire avec mes mains", confie Imane, 32 ans, après avoir testé la manucure russe dans un salon tendance d’Alger.

Autre témoignage, celui de Yasmina, esthéticienne depuis 10 ans à Oran : "Je reçois de plus en plus de clientes qui viennent pour réparer les dégâts d’une manucure russe mal réalisée. Certaines ont même développé des abcès." Elle a décidé de ne plus proposer cette technique.

Est-ce une technique à bannir ?

La manucure russe suscite la controverse, mais faut-il pour autant l’éliminer totalement des pratiques esthétiques ? Pas nécessairement. Lorsqu’elle est réalisée avec rigueur par une professionnelle qualifiée, formée à l’anatomie de l’ongle et utilisant un matériel stérile, cette technique peut offrir un résultat à la hauteur des attentes : un contour d’ongle net, une pose de vernis précise, et une tenue durable pouvant atteindre plusieurs semaines.

Le problème ne réside pas tant dans la technique elle-même que dans son utilisation excessive ou sa réalisation hasardeuse par des personnes peu formées. Trop souvent, des salons proposent cette prestation sans prendre en compte les spécificités de chaque cliente, ni les risques liés à l’abrasion du repli proximal ou à l’absence totale de cuticule. À long terme, la répétition de ce geste peut affaiblir durablement l’ongle, voire provoquer des lésions irréversibles.

C’est pourquoi la manucure russe devrait rester une option exceptionnelle, réservée aux grandes occasions ou aux périodes où l’on souhaite une tenue irréprochable, mais en évitant d’en faire un rendez-vous mensuel automatique. Une belle manucure ne doit jamais se faire au détriment de la santé de l’ongle naturel.

Si vous tenez à la pratiquer, assurez-vous que la prothésiste dispose d’une formation spécifique à la technique russe, qu’elle respecte des normes d’hygiène strictes et qu’elle adapte sa prestation à l’état de vos ongles. En parallèle, pensez à offrir des périodes de repos à vos ongles, à l’aide de soins nourrissants et réparateurs.

La beauté des mains commence par leur respect.

Nos conseils avant de tester la manucure russe

• Renseignez-vous sur le parcours de la prothésiste : a-t-elle suivi une vraie formation ? Connaît-elle les règles d’hygiène ?
• Demandez à voir les outils : sont-ils bien stérilisés ? Utilise-t-elle des embouts à usage unique ?
• Ne pas faire cette manucure si vos ongles sont fragiles, si vous êtes enceinte, ou en cas d’eczéma ou de mycose.
• Alternez avec des soins réparateurs entre deux manucures pour permettre à vos ongles de se régénérer.

La manucure russe est indéniablement esthétique et dans l’air du temps. Mais sous son vernis parfait, elle peut cacher des blessures invisibles. Le mot d’ordre ? S’informer, choisir les bonnes professionnelles… et ne jamais sacrifier la santé de vos ongles pour un effet waouh sur Instagram.