Badis Souissi, véritable ovni de la mode, aspire à créer une marque de prêt-à-porter haut de gamme spécifiquement orientale en s’inspirant directement et essentiellement du patrimoine maghrébin. Son métier, il l'a appris en travaillant pour les maisons de haute couture parisiennes les plus prestigieuses. De Dior à Yves Saint Laurent, en passant par Azzedine Alaïa ou Louis Féraud (auprès duquel il a obtenu un dé d'or en 1984), il est l'un des rares couturiers maghrébins à avoir été Première main flou dans un atelier Haute Couture pendant presque une décennie. Ne se contentant pas de créer des vêtements, Badis Souissi excelle également dans le travail de la maroquinerie. La rédaction de Dzirielle Magazine a eu le privilège de le rencontrer. Portrait.
C'est au restaurant Le Fouquet's à Paris que le rendez-vous est donné. Badis, un homme au regard affirmé, avec un long manteau noir et un couvre-chef sur la tête, arrive avec son ordinateur dans les mains pour nous présenter ses dernières créations. Des créations — inspirées du patrimoine maghrébin — qu'il compte enfin exploiter, malgré le manque de financement évident qui l’a empêché de se révéler artistiquement malgré ses 40 ans de carrière !
Mais ne s’avouant pas vaincu, il nous parle de ses projets avec une passion et une sensibilité toujours intactes. L'artiste, originaire des Aurès, nous explique :
« Je ne veux pas me confiner à l’Algérie. Mon projet va de la Chine à Miami en passant par le Mexique. L'origine de notre vêtement vient de Chine, il est passé par la Méditerranée, puis il est remonté dans le nord, dans le sud, au Moyen-Orient jusqu'au Mexique. On a été victime de pillages sans même s'en rendre compte… Mon projet est de créer un vêtement suffisamment classique, proche des critères de sélection de la mode occidentale, voire parisienne. »
Ses créations reflètent une séduisante mosaïque de l'art algérien, de la luxure algéroise aux broderies bédouines ou berbères. Comme il nous l'explique, il a pu apprendre aux côtés de créateurs mondialement reconnus :
« Ma particularité est d'avoir appris mon métier dans les maisons de la haute couture parisienne : Dior, Yves Saint Laurent, Azzedine Alaïa. J'ai aussi créé des costumes ou du mobilier pour la Comédie-Française, le Moulin Rouge, le Holiday on Ice... En 1990, j'ai lancé une ligne de vêtements haut de gamme que j'ai pu vendre au Bon Marché parisien. Mais je suis rentré par la petite porte, les relations étant très importantes dans ce milieu, j'ai été obligé de débuter dans l'univers un peu underground. Un jour, un ami m'a invité à Alger. J'ai passé mon temps à ressasser ce que j'avais vécu. C'était le déclic. Ce milieu underground n'était pas pour moi. Mais ce déclic arriva en 2001, année des attentats du 11 septembre à New York... une ambiance peu propice à des créateurs de ma trempe. Malgré cela, mon idée était de sortir une ligne de vêtements qui pourrait remettre les choses à leur juste valeur, afin de montrer au monde notre véritable culture. »
Dès son plus jeune âge, le couturier, originaire de Biskra, est imprégné par un univers artistique familial :
« Mes parents étaient très portés sur l'art. Ils viennent d'une époque où on avait une autre relation au vêtement, le sur-mesure était la norme. Mon père, grand révolutionnaire, était un peu un dandy. Ma mère chantait souvent dans son cercle familial, elle nous a élevés en chantant. Elle avait une très belle voix… Elle a aussi milité pour la cause de la femme algérienne, elle donnait beaucoup de son temps, elle était assez moderniste. Mon père, quant à lui, était assez traditionnaliste. Cette dualité se retrouve aujourd'hui dans mon travail. »
Mais c’est en France, à Drancy, que le créateur d’origine chaoui est né, et c’est à l’âge de 25 ans qu’il quitte son nid familial pour se rendre dans la capitale parisienne, souvent qualifiée de « capitale de la mode », afin de concrétiser ses rêves :
« J'ai découvert le milieu parisien vers 25 ans. En connaissant les Parisiens, on sait ce qu'on a envie de montrer aux Français, et surtout ce qu'on peut leur apporter, même s'ils ne le souhaitent pas souvent… De plus, quand on arrive à trouver des angles de tir, cela ne suffit pas toujours. Je me suis enfermé dans mon travail pendant des années pour exceller et tenter de proposer un travail différent des autres. Mais malgré cela, c'était très difficile, le milieu parisien est très fermé. Cela m'a poussé à voyager, j'ai vécu en Afrique noire, au Mali, afin de découvrir mes origines africaines. »
Comme il le révèle à la rédaction, il a souvent subi des obstacles dans son parcours professionnel :
« J'ai poussé beaucoup de portes. Mais j’ai rencontré d’autres problèmes de taille : j'étais gaucher, et à l'époque, cela posait problème pour les couturiers. J’ai eu une opportunité de m'installer à Dubaï que je n’ai pas pu saisir faute de moyens, mais j’envisage de retourner là-bas pour lancer ma propre marque ou collection. »
Malgré les épreuves, il a toujours voulu revendiquer son travail et ses origines chaouies :
« Nous, les Chaouis, on est assez mal connus en Algérie. On a un sens de l'hospitalité et surtout, on a quelque chose de différent des autres Algériens, une sorte d'intelligence, qui est une ténacité, un classicisme qu'on ne retrouve pas dans d'autres régions. Chez nous, on arrive à avoir une rusticité, mais avec une finesse de travail qui nous vient de toutes les rencontres qu'on a eues avec différentes civilisations. Je trouve que certaines régions ont perdu de leur savoir-faire traditionnel, excepté du côté de Djelfa, Souk Ahras, des zones un peu reculées où tous les savoir-faire ancestraux sont maintenus. D'après moi, le point névralgique dans la confection haut de gamme vient des Aurès. Il y a beaucoup de savoir-faire à Tlemcen et à Alger, mais l'Est compte beaucoup. »
Aujourd’hui, Badis Souissi a installé une base logistique au Maroc, même s’il nous confie que l'artisanat algérien n'a rien à envier à celui de nos voisins marocains. Son choix est dû essentiellement au fait qu’il n’a pas trouvé de personnes compétentes et dignes de confiance dans son pays d’origine.
Sa dernière collection s’inspire des traditions vestimentaires arabo-musulmanes et intègre des matières nobles : de la soie, du cuir d’agneau, des broderies, et de la sfifa posée à même la main. Il confectionne différentes tenues traditionnelles arabes : karakou, bumous… mais son talent ne s’arrête pas là puisqu’il excelle également dans le mobilier et la maroquinerie en élaborant des sacs à main originaux entièrement faits main (voir photos en haut).
À bientôt 60 ans, Badis a encore de l'énergie à revendre ! Nous en sommes certains, son aventure ne fait que commencer !
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